Film espagnol de Pedro Almodóvar (2021), avec Penélope Cruz, Milena Smit, Israel Elejalde, Aitana Sánchez-Gijón, Rossy de Palma, Julieta Serrano, Pedro Casablanc, Julio Manrique… 2h. Sortie le 1er décembre 2021.
Milena Smit et Penélope Cruz
Deux femmes sympathisent au moment d’accoucher dans une maternité où elles partagent la même chambre. L’une est adolescente, l’autre d’âge mûr, mais elles ont pour autres points communs d’être tombées enceintes sans l’avoir désiré et de vivre seules. Cette rencontre va sceller leurs destins d’une manière imprévue et les forcer à reconsidérer leurs choix de vie malgré elles. On reconnaît dans cet argument la fascination de Pedro Almodóvar pour les femmes et ce mystère bien gardé qu’il essaie d’élucider depuis quatre décennies. Madres paralelas subvertit tous les codes du mélodrame à partir d’une situation rocambolesque qui évoque les plus beaux films de l’âge d’or mexicain, mais aussi le lyrisme échevelé d’un Douglas Sirk. Avec en prime une composante jusque-là presque totalement absente de son cinéma : l’évocation des ravages de la guerre civile espagnole et de ses cicatrices qui tardent à refermer pour l’éternité.
Milena Smit et Penélope Cruz
Parvenu à une maîtrise absolue de son art, Almodóvar donne à cette histoire profondément intime un relief universel en confrontant le poids du passé aux douleurs du présent et à leurs conséquences sur l’avenir. Il réussit là un entrelacs qui relève de la haute voltige scénaristique en s’appuyant sur trois personnages puissamment incarnés qui ont pour point commun de chercher leur juste place dans le monde. Le réalisateur dirige ainsi pour la septième fois Penélope Cruz, justement couronnée de la Coupe Volpi à la Mostra de Venise, face à une révélation qui est en quelque sorte son reflet rajeuni, Milena Smit. Il orchestre une sorte de jeu de miroirs entre les deux comédiennes et démontre une fois de plus sa virtuosité lorsqu’il s’agit d’exploiter des facettes inexplorées de ses interprètes en les confrontant à des situations hors du commun. La facture du film s’avère une fois de plus d’une rare élégance, en s’aventurant sur un terrain mémoriel qui ouvre de nouvelles perspectives à ce cinéaste dont l’avènement a coïncidé avec le renouveau culturel de l’Espagne post-franquiste qu’a pu incarner la Movida. Avec Madres paralelas, il reste fidèle à ses obsessions, tout en affrontant la mémoire collective d’un pays qui n’en a pas terminé avec ses vieux démons.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire