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“Liban 1982” d’Oualid Mouaness




1982 Film libano-américano-norvégo-qatarien d’Oualid Mouaness (2019), avec Nadine Labaki, Mohamad Dalli, Gia Madi, Rodrigue Slieman, Aliya Khalidi, Said Serhan… 1h44. Sortie le 24 novembre 2021.



Nadine Labaki



Détail révélateur, le titre original de Liban 1982 ne comporte que l’année. Parce que dans ce pays martyr qui sert régulièrement de champ de bataille aux états voisins, cette date connue de tous correspond au traumatisme collectif profond provoqué par l’invasion de Beyrouth par l’armée israélienne qui aboutira au tristement célèbre massacre des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. Le prélude de cet événement est décrit ici depuis une école anglaise réservée aux enfants de notables dont les jeunes élèves sont inconscients de l’enjeu des combats aériens qui se déroulent au-dessus de leurs têtes. Le réalisateur Oualid Mouaness s’inspire d’événements qu’il a lui-même vécus et met en scène dans ce contexte perturbé le trouble de l’enfant qu’il était face à une écolière à qui sa timidité empêchait d’avouer son amour. En cela, le film s’adresse vraiment à tous les publics par la justesse de son approche et la subtilité de son traitement, au fond assez apolitique bien que paradoxalement engagé… contre la guerre comme ferment de discorde.



Gia Madi et Mohamad Dalli



C’est d’ailleurs autour d’une journée de vie scolaire presque comme les autres que se circonscrit cette chronique délicate et sensible racontée du point de vue d’un gamin qui se préoccupe davantage de ses élans du cœur que du contexte géopolitique ambiant. Un regard qui est aussi celui du metteur en scène. La beauté du film repose sur ce parti pris parfaitement tenu et ce décalage qui existe entre l’insouciance des enfants et les différends qui opposent les adultes de leur entourage chargés de les rassurer en évitant de déclencher une panique générale. Ce microcosme foisonnant recèle à lui seul tous les paradoxes d’un état croupion dont la guerre civile épuisera les meilleures volontés en montant les communautés les unes contre les autres, dans un affrontement suicidaire qui entraînera un exil massif des élites. C’est ce que montre très bien ce film baigné d’insouciance dont la réalisatrice Nadine Labaki tient l’un des rôles principaux, celui d’une institutrice habitée par ses responsabilités. Avec cette imagination enfantine qui finit par prendre le pouvoir à travers l’intervention fantasmée d’un super-héros de manga plus fort que la guerre.

Jean-Philippe Guerand









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