Adventures of A Mathematician Film germano-canado-polonais de Thorstein Klein (2019), avec Philippe Tlokinski, Esther Garrel, Sam Keeley, Joel Basman, Ryan Gage, Mateusz Wieçlawek, Sabin Tambrea… 1h42. Sortie le 1er décembre 2021.
Esther Garrel et Philippe Tlokinski
L’histoire est édifiante. L’aspect historique du projet Manhattan a notamment été raconté par Roland Joffé dans Les maîtres de l’ombre (1989). C’est sa face cachée à laquelle s’attache aujourd’hui Les aventures d’un mathématicien à travers le destin d’un de ces scientifiques du monde entier rassemblés autour d’une quête commune : la fabrication de la première bombe atomique. Cet homme d’origine juive, c’est Stanislaw Ulam, qui a laissé sa famille en Pologne dès 1938, pour rejoindre cinq ans plus tard cette croisade qui se déroule au Nouveau-Mexique dans le plus grand secret, alors même qu’Hitler poursuit le même objectif, dans une folle course contre la montre qui aboutira aux bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki. Cette quête constitue dans le film de Thorstein Klein la toile de fond d’un cas de conscience existentiel pour ce savant hanté par les échos tragiques qui lui parviennent d’Europe où il sait sa famille menacée d’anéantissement, mais se sait impuissant à la sauver.
Philippe Tlokinski
En s’attachant à cet artisan passablement oublié par l’histoire, Les aventures d’un mathématicien insiste sur le cas de conscience d’un scientifique habité par sa mission qui se sait associé à une entreprise de destruction massive pourtant cruciale afin de mettre un terme définitif à la Seconde Guerre mondiale. Thorstein Klein se sert de son cas pour souligner ce paradoxe qu’avait déjà prévu en leur temps les frères Nobel en inventant la dynamite, puis Albert Einstein en démontrant la théorie de la relativité : le progrès possède parfois des revers douloureux. C’est ce qu’entend démontrer ce film qui se concentre sur les déchirements de son personnage principal et la responsabilité morale qu’engendrent ses recherches. Un rôle joué tout en retenue par l’acteur français d’origine polonaise Philippe Tlokinski qui investit ce personnage sans jamais se mettre en avant, comme un anti-héros de la grande histoire qui figurerait en quelque sorte au dernier rang de la photo officielle, occulté notamment par Robert Oppenheimer. Bref, il s’agit là d’une sorte d’anti-biopic qui investit un creux de la mémoire collective.
Jean-Philippe Guerand
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