Sheytan vojud nadarad Film germano-tchéco-iranien de Mohammad Rasoulof (2020), avec Ehsan Mirhosseini, Shaghayegh Shourian, Kaveh Ahangar, Alireza Zareparast, Salar Khamseh, Darya Moghbeli, Mahtab Servati… 2h32. Sortie le 1er décembre 2021.
Quatre récits se répondent et résonnent en écho dans l’Iran d’aujourd’hui où règne encore la peine de mort et dont les citoyens semblent prêts à mourir pour leur liberté. Tel est le postulat de ce film qui a valu à Mohammad Rasoulof l’Ours d’or de la Berlinale en 2020. Une structure envisagée par le réalisateur d’Un homme intègre comme une occasion de tourner quatre courts métrages autour d’une thématique commune, la résistance de l’individu à une société oppressive, en évitant par la même occasion de s’attirer les foudres de la censure grâce à la souplesse apparente de son dispositif de production. Chacun des épisodes entretient des connivences avec les autres, à l’instar de cet antagonisme entre la ville dont les habitants sont contraints à la soumission par leur enfermement et la campagne où la nature et l’isolement exacerbent les différentes composantes de la résistance et de la liberté. Tel est le message de ce film courageux qui défie ouvertement le dogme officiel, en célébrant le libre arbitre et en lançant un appel à la désobéissance civile. Rasoulof se garde pourtant de provoquer en soulignant combien la peur est dangereuse.
C’est en se faisant remplacer par ses assistants (un par sketch) et son chef opérateur attitré que le réalisateur est parvenu à venir à bout de ce projet sans attirer l’attention des autorités iraniennes… et sans venir sur le plateau. Un stratagème qui rappelle les trésors d’ingéniosité déployés par son compatriote Jafar Panahi, couronné quant à lui à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, afin de continuer à tourner, alors que cette activité lui est théoriquement interdite depuis 2010 et pour une période de vingt ans. Il convient de saluer ici le courage de ces proscrits du cinéma iranien qui réussissent à briser le mur du silence et à donner régulièrement de leurs nouvelles sur le plan artistique, grâce à la solidarité des festivals internationaux. Le diable n’existe pas est une authentique œuvre de résistance qui sème des petits cailloux blancs à travers sa force symbolique. Rasoulof y témoigne de la situation dans son pays en épousant la forme du conte moral et s’inscrit dans la lignée de ces œuvres engagées que ne verra pas le public iranien, mais qui envoient à la communauté internationale un message fort auquel ses nombreuses récompenses dans les festivals assurent un écho non négligeable et une audience sensibilisée.
Jean-Philippe Guerand
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