King Richard Film américain de Zach Baylin (2021), avec Will Smith, Saniyya Sidney, Demi Singleton, Jon Bernthal, Aunjanue Ellis, Liev Schreiber, Tony Goldwyn, Dylan McDermott… 2h18. Sortie le 1er décembre 2021.
Aunjanue Ellis et Will Smith
La réussite insolente de Venus et Serena Williams est loin d’être fortuite. Derrière l’hégémonie de ces deux championnes de tennis hors pair, se profile l’ambition à toute épreuve de leur père, Richard. Un homme qui a lui-même dû endurer bien des humiliations avant de parvenir à ses fins en imposant à ses filles une hygiène de vie et un régime impitoyables consignés dans ce qui ressemblait à s’y méprendre à une stratégie militaire destinée à forger leur caractère et à encadrer leur entraînement, dès l’âge de 4 ans et demi. C’est cette ingrate période d’apprentissage à laquelle s’attache La méthode Williams, à travers la personnalité de ce despote en quête de reconnaissance sociale qui va imposer sa loi aux coachs et aux entraîneurs, qui plus est dans un milieu sportif dominé de façon écrasante par les Blancs de la classe supérieure. En s’attachant avant tout à cet homme de l’ombre qui a consacré sa vie à réussir par procuration, Zach Baylin signe un biopic atypique qui en dit long sur le fonctionnement de la société américaine.
Aunjanue Ellis, Demi Singleton, Will Smith et Saniyya Sidney
Le rôle de Richard Williams est littéralement vampirisé par Will Smith à qui il offre l’une des compositions les plus spectaculaires de sa carrière avec Ali de Michael Mann qui lui avait valu sa première nomination à l’Oscar en 2002. Vingt ans plus tard, il s’aligne pour la troisième fois dans cette course avec un rôle singulier dans lequel il a visiblement tout donné. La méthode Williams distille par ailleurs un message fort sur la notion même de réussite dans le cadre d’une société américaine qui l’encourage et la vénère. À cette nuance près que son héros n’en est pas un à proprement parler. D’où l’idée qui consiste à montrer l’antichambre de la gloire sans s’attarder sur les exploits des sœurs Williams que le scénario réduit au statut de filles obéissantes qui acceptent le diktat paternel sans jamais se révolter, ce qui peut légitimement choquer. C’est sans doute là où le film aurait pu questionner l’origine de cette discipline de fer et souligner les frustrations que représente ce phénomène de transfert jamais remis en question, avant même qu’il produise ses effets bénéfiques. Peut-être même s’agissait-il là du véritable sujet de ce film qui manque singulièrement d’ambiguïtés et pâtit de ne pas bousculer davantage son personnage principal qui apparaît au fond comme un être autoritaire mû par un réflexe revanchard et une vanité sans limites que n’ont d’ailleurs jamais manifesté ni Venus ni Serena au cours de leurs carrières exceptionnelles qui leur ont valu de régner sur le tennis mondial pendant une vingtaine d’année.
Jean-Philippe Guerand
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