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“Haute couture” de Sylvie Ohayon




Film français de Sylvie Ohayon (2020), avec Nathalie Baye, Lyna Khoudri, Pascale Arbillot, Clotilde Courau, Claude Perron, Soumaye Bocoum, Adam Bessa, Alexandrina Turcan, Farida Ouchani… 1h40. Sortie le 10 novembre 2021.



Nathalie Baye et Lyna Khoudri



Une femme plutôt chic se fait chaparder son sac à main dans le métro par une chanteuse qui lui laisse sa guitare en contrepartie. La voleuse se ravise et décide d’aller restituer son bien à cette bourgeoise qui travaille chez un grand couturier. Là, alors qu’elle vivait sa vie sans but, elle va littéralement trouver sa vocation sous la houlette de cette femme qui lui trouve des doigts de fée, malgré ses mauvaises manières. La banlieue, la romancière Sylvie Oyahon avait déjà évoqué celle de son enfance dans un premier film aussi sympathique que maladroit, Papa Was Not a Rolling Stone (2014). Elle y revient avec nettement plus d’assurance et de détermination dans Haute couture, en s’appuyant sur la rencontre de deux actrices impliquées : Nathalie Baye, qu’on a plaisir à revoir dans un rôle consistant après quelques pas de côté qui reflètent le manque d’imagination du cinéma français dès qu’il s’agit de mettre en scène des personnages de femmes mûres, et Lyna Khoudri, Primée à Venise en 2017 pour Les bienheureux, puis lauréate du César du meilleur jeune espoir féminin 2020 pour Papicha (où elle bravait les terroristes en organisant… un défilé de mode), également à l’affiche de The French Dispatch en égérie soixante-huitarde. Le duo qu’elles forment ressemble à un passage de témoin au beau milieu d’un aréopage féminin fourni d’où se détachent également Pascale Arbillot (la gentille), Claude Perron (la méchante) et Clotilde Courau qui continue à prendre un malin plaisir à jouer les personnages fracassés, comme pour se dédouaner d’avoir convolé avec un prince, un vrai.



Lyna Khoudri



Haute couture est en outre une immersion tirée à quatre épingles dans l’atelier d’une maison de mode de l’avenue Montaigne où s’exacerbent les passions les plus extrêmes, sinon les frustrations et les jalousies les plus mesquines. On serait tenté de dire de cette chronique qu’elle milite pour la discrimination positive, si l’implication de ses interprètes ne transcendait son sujet en progressant en équilibre précaire sur un fil tendu au-dessus de la fracture sociale. Il ne suffit pourtant pas de réunir une jeune beurette de banlieue et une bourgeoise d’origine juive pour pouvoir revendiquer le statut de film engagé ou militant. Sylvie Ohayon signe là un Feel Good Movie plein d’aspérités qui souligne subtilement les pièges de l’intégration en s’appuyant sur des caractères humains eux-mêmes pétris de contradictions qui ne versent jamais dans le cliché ou la caricature, dans un milieu qui aurait pu prêter à cette inclination, mais qui échappe lui aussi aux lieux communs de circonstance. Peut-être parce qu’il sert de cadre au film, sans constituer à proprement parler son véritable sujet.

Jean-Philippe Guerand





Nathalie Baye et Lyna Khoudri


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