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“Haut et fort” de Nabil Ayouch




Film maroco-français de Nabil Ayouch (2021), avec Ismail Adouab, Anas Basbousi, Meriem Nekkach, Zineb Boujemaa, Abdelilah Basbousi, Nouhaila Arif, Amina Kannan, Mehdi Razzouk… 1h42. Sortie le 17 novembre 2021.






Cinéaste engagé et épris de musique, comme l’a démontré par le passé sa comédie musicale Whatever Lola Wants (2007), Nabil Ayouch s’est souvent frotté à des sujets qui fâchent, quitte à s’attirer les foudres de la censure marocaine, alors même qu’il est sans doute paradoxalement le réalisateur le plus célèbre de son pays qu’il a même représenté à plusieurs reprises dans la course aux Oscars. Traité en appliquant les codes d’un cinéma-vérité qui brouille à dessein les apparences entre fiction et documentaire, Haut et fort est un film choral qui s’attache à l’impact du hip-hop sur la jeunesse urbaine, comme un corps-à-corps avec le pouvoir en place mis en musique par les frères Mike et Fabien Kourtzer. À travers la communauté que forment ces artistes venus de la rue mus par une même volonté de liberté, sous la houlette fédératrice d’un rappeur reconverti, Ayouch dépeint la vie quotidienne d’un centre culturel. Un havre de paix situé dans un quartier populaire de Casablanca qui va inciter ces jeunes d’origine modeste à s’affranchir parfois de traditions écrasantes pour aller au bout de leur rêve.



Anas Basbousi



Présenté en compétition au dernier festival de Cannes, Haut et fort est un film authentiquement politique qui s’appuie sur une réalité sociale forte pour montrer une jeunesse bouillonnante et passionnée qui n’aspire qu’à s’exprimer artistiquement sans entraves. Une génération qui trouve en son professeur un gourou tel qu’on les aime à l’adolescence : un personnage dont le charisme et l’autorité naturelle passent précisément par un caractère ténébreux et peu disert. Il convient de louer ici l’interprétation d’Anas Basbousi, connu sous le nom de scène de Bawss, qui a fondé en 2016 au Maroc un programme de formation baptisé Positive School of Hip Hop à l’origine de ce film. Sous des dehors moins engagés que ses opus précédents, le réalisateur des Chevaux de Dieu (2012), Much Loved (2015) et Razzia (2017) poursuit son ardent combat contre l’archaïsme et l’intolérance en utilisant tous les atouts pour séduire un public jeune, c’est-à-dire le plus apte à provoquer une évolution salubre des mentalités au royaume chérifien. Cet engagement passe ici par la musique et la danse considérées comme les instruments de libération les plus démocratiques. Son succès populaire pourrait bien faire bouger les lignes, pour peu qu’il atteigne au phénomène de société.

Jean-Philippe Guerand








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