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“Entre deux trains” de Pierre Filmon




Long Time No See Film français de Pierre Filmon (2019), avec Laëtitia Eïdo, Pierre Rochefort, Ronald Guttman, Estéban… 1h15. Sortie le 10 novembre 2021.



Laëtitia Eïdo



Auteur d’un documentaire remarquable consacré à l’un des plus grands chefs opérateurs de son époque, Close Encounters with Vilmos Zsigmond (2016), Pierre Filmon (quel meilleur patronyme pour un cinéphile devenu cinéaste ?) s’aventure aujourd’hui du côté de la fiction avec un projet d’une modestie qui lui ressemble. Dans le cadre rigoureux de la règle des trois unités, cet exercice de style élégant orchestre les retrouvailles fugaces d’un homme et d’une femme en correspondance à la gare d’Austerlitz. Une histoire d’amour en pointillés qui possède un avant et un après, mais aussi deux ailleurs dissemblables. Neuf ans après leur première rencontre, ils savent que leur avenir ne dépend plus que d’eux. Au fil de cette conversation à bâtons rompus, vont affleurer des joies et des peines. Des regrets et des remords aussi. En circonscrivant son film dans un cadre aussi balisé, le cinéaste évite habilement tous les pièges dramaturgiques du huis clos à ciel ouvert. Résultat : son film ne pourrait à aucun moment être du théâtre et il exploite habilement des ressources topographiques propices aux déambulations.



Pierre Rochefort et Laëtitia Eïdo



Au-delà des contraintes que suppose son parti pris, Entre deux trains s’appuie sur deux atouts maîtres. Le premier est un scénario qui accorde évidemment un rôle prépondérant au dialogue. Le second réside dans la nature de ses interprètes dont la notoriété n’écrase à aucun moment leur personnage. Pierre Rochefort excelle sur le registre d’une retenue élégante qui faisait déjà tout le prix du couple qu’il formait avec Louise Bourgoin dans Un beau dimanche (2014) de Nicole Garcia. Face à lui, Laëtitia Eïdo impose son élégance naturelle avec une assurance qui se lézarde sous le poids des sentiments. C’est par le trouble qu’il exprime que ce couple réussit à nous toucher et à aller bien au-delà de cette brève rencontre, toute en retenue et en non-dits. Il y a de Rohmer mais aussi de Mouret dans ce marivaudage tiré au cordeau qui évite soigneusement les mots d’auteur au profit d’une quotidienneté immédiate nourrie de ces petits rien qui donnent parfois tant de prix à la vie.

Jean-Philippe Guerand





Pierre Rochefort

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