Accéder au contenu principal

“Burning Casablanca” d’Ismaël El Iraki




Zanka Contact Film franco-belgo-marocain d’Ismaël El Iraki (2020), avec Khansa Batma, Ahmed Hammoud, Saïd Bey, Mourad Zaoui, Abderrahmane Oubihem, Fatima Attif, Oisin Stack… 2h. Sortie le 3 novembre 2021.



Khansa Batma et Saïd Bey



Étonnante romance que celle qui rapproche une chanteuse des rues d’une star du rock en voie de déchéance, à l’occasion d’un accident de voiture. Entre cette fille sauvage et ce rebelle en proie à ses démons va s’instaurer une étrange complicité qui va les inciter à se rapprocher pour faire route commune vers un avenir incertain. À travers ce film de bruit et de fureur, le réalisateur Ismaël El Iraki ambitionne de signer un film de genre porteur d’une forte identité africaine qui prend pour cadre une ville marocaine gagnée par la démesure et la surpopulation, Casablanca, et plus particulièrement un quartier chaud situé au cœur de la médina où le cinéma s’était rarement aventuré, pour des raisons liées à l’insécurité ambiante. Le film joue sur une opposition radicale entre un cadre urbain contemporain comme on en rencontre dans les pays émergents sous de multiples latitudes et une structure assez simple qui puise à la fois du côté du western et du polar. Avec des gimmicks de mise en scène empruntés ostensiblement à Sergio Leone et à Quentin Tarantino.



Khansa Batma et Ahmed Hammoud



Lui-même rescapé de l’attentat du Bataclan perpétré à Paris le 13 novembre 2015, Ismaël El Iraki affiche un goût prononcé pour les personnages fracassés, mais réussit à rendre attachant sinon touchant ce couple associé pour le meilleur mais surtout pour le pire. Il s’en remet pour cela à la personnalité explosive et baroque de ses interprètes : la chanteuse Khansa Batma, lauréate du prix d’interprétation féminine de la section Orrizonti à la Mostra de Venise 2020, et Ahmed Hammoud, révélé dans le rôle principal de Mimosas, la voie de l’Atlas d’Oliver Laxe, couronné du grand prix de la Semaine de la critique au festival de Cannes 2016. C’est en véritable artificier que le réalisateur manipule ces deux bâtons de dynamite humains en proie au fameux trouble du stress post-traumatique qu’il entraîne dans un labyrinthe de substances délétères qui stimulent autant leurs sens que leur verve artistique. Burning Casablanca est un périple mental éprouvant qui témoigne d’une rage aussi fascinante que communicative et donne envie de suivre Ismaël El Iraki dans ses futures pérégrinations cinématographiques, pour peu qu’il réussisse à réfréner certaines outrances parfois un peu tapageuses.

Jean-Philippe Guerand





Ahmed Hammoud et Khansa Batma


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract