Film belgo-français de Marie-Castille Mention-Schaar (2020), avec Noémie Merlant, Soko, Vincent Dedienne, Gabriel Almaer, Alysson Paradis, Anne Loiret, Geneviève Mnich, Jonas Ben Ahmed… 1h48. Sortie le 10 novembre 2021.
Soko, Vincent Dedienne et Alysson Paradis
Marie-Castille Mention-Schaar a le chic pour aborder des sujets de société audacieux, qu’il s’agisse du devoir de mémoire dans Les héritiers (2014) ou du djihadisme dans Le Ciel attendra (2016). Elle s’attache dans son sixième long métrage à la transsexualité à travers l’histoire d’un couple formé de deux femmes dont l’une a opéré sa mutation vers une enveloppe corporelle masculine, mais va pourtant devoir pallier la stérilité de sa compagne en portant leur bébé. Le postulat a beau sembler audacieux, il s’inscrit pourtant dans une stricte réalité que le cinéma peine à intégrer, les films belges Girl et Lola vers la mer ayant suscité des polémiques parmi une communauté particulièrement à cheval sur les nuances et bien peu solidaire dès lors qu’il est question de tolérance. A Good Man évite les pièges multiples de son sujet et s’en remet pour cela à l’interprétation toute en retenue de Noémie Merlant dans un rôle d’une incroyable complexité comme elle les affectionne. C’est elle, l’amoureuse d’Adèle Haenel dans Portrait de la jeune fille en feu (2019) de Céline Sciamma, qui incarne cette fille devenue garçon et qui plus est pompier sur l’île de Groix, donc dans un lieu isolé du monde.
Noémie Merlant
L’intelligence d’A Good Man consiste à traiter ce sujet délicat comme s’il était banal. Benjamin et Aude connaissent des problèmes qui sont ceux de bien des couples, mais ils ont intégré leur atypisme et intégré le regard des autres, même s’il s’attarde parfois sur leur “différence”. Le film n’évoque leur passé qu’en filigrane, le temps de deux flash-backs, avec ce frère campé par Vincent Dedienne qui incarne le poids de la famille et cherche à comprendre comment la petite sœur avec lequel il a grandi a pu devenir un garçon. Marie-Castille Mention-Schaar n’occulte aucune des questions qu’implique son sujet, mais ne verse jamais dans le sensationnalisme. Le couple qu’elle montre est heureux et ne se pose plus la question du genre. Sa problématique est autre. C’est celle qu’implique le désir d’avoir un enfant et de se heurter à un obstacle physiologique, injuste, forcément injuste qui frappe celle qui est supposée le porter. Pour se convaincre que ce film délicat et sensible s’inscrit dans une réalité concrète et avérée, il suffit de savoir qu’aux États-Unis, deux mille pères nés de sexe féminin portent chaque année leur progéniture en lieu et place de leur conjoint. C’est peut-être ça la véritable route vers la parité.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire