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“Ron débloque” de Sarah Smith, Jean-Philippe Vine et Octavio E. Rodriguez




Ron’s Gone Wrong Film américano-britannique de Sarah Smith, Jean-Philippe Vine et Octavio E. Rodriguez (2021), avec (voix) Zach Galifianakis, Jack Dylan Grazer, Olivia Colman, Ed Helms, Justice Smith, Rob Delaney, Kylie Cantrall… 1h46. Sortie le 20 octobre 2021.






Dans un monde pas si futur que cela, tous les enfants disposent d’un B*Bot à leur échelle qui répond au doigt à l’œil au moindre de leurs désirs, gèrent leur présence sur les réseaux sociaux et tient lieu de compagnon de jeu à la patience inépuisable et aux ressources inlassables. Avec à la clé une popularité convoitée par tous. Barney ne possède toutefois pas cet objet connecté. Alors quand il hérite de Ron, un alter ego atypique qui a échappé à ses créateurs pour fonctionner selon son propre algorithme, la machine s’humanise singulièrement pour devenir encore plus fusionnelle avec son humain de référence. Derrière ce mystère affleure une lutte d’influences au sein de l’entreprise qui conçoit les machines et a permis à un intrigant ambitieux d’évincer la tête chercheuse des lieux, sous prétexte d’un moment d’égarement qui lui a fait humaniser la machine.






Ron débloque appartient à cette veine du cinéma d’animation en prise avec son époque qui intègre internet et les nouveaux modes de communication, en aspirant à vulgariser des concepts parfois un peu sophistiqués, à l’usage des enfants mais sans doute plus encore de leurs aînés et même des seniors. Le visionnaire Tron (1982) en constitua naguère la matrice fondatrice, film culte très en avance sur son époque qui se déroulait dans les arcanes d’un ordinateur et donna d’ailleurs lieu à un reboot, Tron : l’héritage (2010), lorsque la réalité l’a enfin dépassé. Il convient de citer aussi deux opus sortis des studios Disney, Les mondes de Ralph (2012) et Ralph 2.0 (2018), qui ambitionnent de nous guider au cœur du Web. C’est dans cette lignée que s’inscrit ce film d’anticipation relative qui décrit une sorte de meilleur des mondes dans lequel l’humain résiste par sa nature à l’intrusion de la technologie dans ce qu’il a de plus cher (son intimité) et de plus précieux (sa personnalité), à un âge de la vie où tout se décide.






Premier long métrage sorti du jeune studio britannique Locksmith Animation, qui plus est en période de confinement, Ron débloque affiche une ambition singulière dans ce cercle très fermé. Derrière sa sophistication, ce film distille toutefois des idées positives et généreuses sous couvert de fantaisie et d’insouciance, notamment en s’attachant à la situation de l’individu par rapport au groupe et à son besoin de s’intégrer qu’accentuent encore les nouvelles technologies. Le film ne cache d’ailleurs pas ce qu’il doit à Her (2013) de Spike Jonze dans son approche de l’isolement qu’entraînent les réseaux sociaux. Sans délivrer frontalement un message moral sentencieux, le film pose des questions cruciales sur la montée en puissance des réseaux sociaux et l’addiction aux écrans qui sont en train de bouleverser profondément les rapports humains et leur approche par les nouvelles générations. Le tout sous couvert d’une inventivité réjouissante, d’une imagination débordante et d’une esthétique séduisante.

Jean-Philippe Guerand







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