Schwesterlein Film suisse de Véronique Reymond et Stéphanie Chuat (2020), avec Nina Hoss, Lars Eidinger, Marthe Keller, Jens Albinus, Thomas Ostermeier, Linne-Lu Lungershausen, Noah Tscharland, Lucie Zeiger… 1h39. Sortie le 6 octobre 2021.
Linne-Lu Lungershausen, Nina Hoss et Noah Tscharland
Dramaturge allemande, Lisa a sacrifié ses ambitions professionnelles pour suivre son mari en Suisse où il dirige une école internationale. Alors quand elle apprend que son frère jumeau est atteint d’une maladie incurable, elle retourne à Berlin pour se battre à ses côtés et le faire monter une dernière fois sur scène, quitte à se confronter elle-même à l’appel irrésistible de ce spectacle vivant auquel ils s’étaient promis de consacrer leur existence. Les réalisatrices Véronique Reymond et Stéphanie Chuat signent avec cette marche funèbre jamais complaisante un magnifique hommage au théâtre porté par deux acteurs au sommet de leur art : Nina Hoss, l’ardente égérie de Christian Petzold, qui sait ne jamais trop en faire, et Lars Eidinger, l’un des interprètes fétiches du metteur en scène berlinois de la Schaubühne, Thomas Ostermeier, lequel apparaît également dans le film, comme pour l’ancrer dans un contexte familier. Et puis, il y a Marthe Keller devenue malgré elle une figure iconique du cinéma suisse contemporain, malgré une retenue de plus en plus assumée. Comme s’il s’agissait désormais pour elle d’aller à l’essentiel à chaque rôle.
Nina Hoss
Petite sœur est un film qui réussit à nous toucher sans jamais nous apitoyer, en jouant avec finesse et subtilité sur la corde sensible à travers ces non-dits et ces frustrations accumulés par deux êtres qui ont grandi ensemble avant de se trouver séparés par les aléas de la vie. La direction d’acteurs va de pair avec une rigueur et un dépouillement tout entier au service des émotions. Le fait que le film soit réalisé en tandem constitue en outre un atout déterminant lorsqu’il s’agit pour les deux réalisatrices (dont on a découvert récemment un documentaire intitulé Les dames) d’exprimer ce lien énigmatique qui unit les jumeaux. Elles sacrifient pour cela les cris aux chuchotements en déployant une mise en scène élégante mais jamais ostentatoire qui relève parfois de la chorégraphie par sa façon de s’attarder sur les corps en mouvement et les visages en proie aux sentiments. Il émane de cette tragédie épurée une noblesse qui affleurait déjà du film qui a révélé Véronique Reymond et Stéphanie Chuat : La petite chambre (2010) dans lequel elles orchestraient déjà un élégant pas de deux entre Michel Bouquet et Florence Loiret Caille.
Jean-Philippe Guerand
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