Film français de Philippe Le Guay (2021), avec François Cluzet, Jérémie Renier, Bérénice Bejo, Jonathan Zaccaï, Victoria Eber, Denise Chalem, Patrick Descamps, Sharif Andoura, François-Éric Gendron, Laëtitia Eïdo, Martine Chevallier, Patrick d’Assumçao… 1h54. Sortie le 13 octobre 2021.
Rarement une œuvre aura à ce point rencontré son époque. Difficile toutefois d’accuser Philippe Le Guay d’opportunisme, lorsqu’on connaît le temps moyen qui s’écoule entre l’écriture d’un scénario et la sortie d’un film. Tout débute par une transaction immobilière a priori banale. Un couple de bourgeois parisiens accepte de céder sa cave à un inconnu qui prétend y entreposer des effets personnels. Mais il s’avère très vite que l’acheteur en question a élu domicile dans le sous-sol, évidemment dépourvu de sanitaires, et qu’il se lave au robinet de la cour. Au grand dam de la copropriété qui exige son renvoi immédiat. C’est la première phase d’un engrenage implacable, car non seulement l’homme se révèle insolvable, mais il est réputé pour ses positions révisionnistes qui lui ont valu des problèmes par le passé. Dès lors, sa présence agit comme un poison au sein de cette communauté disparate dont il va contribuer à fissurer l’harmonie…
Au moment où la société française assiste à d’inquiétantes résurgences de la peste brune à visées électoralistes, L’homme de la cave tombe à pic pour susciter les débats idéologiques nécessaires qu’esquissent d’ailleurs ses protagonistes au fil des rebondissements. Le scénario se révèle d’une habileté diabolique par sa propension à n’éluder aucune des questions qu’induit son postulat, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer ce qu’on peut ou ne peut pas dire ou faire. Philippe Le Guay et son coscénariste Gilles Taurand distillent un venin dont ils peinent parfois à trouver le contrepoison, tant la société française a sous-estimé le mal au point de ne pas lui opposer de remède réellement efficace. En cela, le film se situe un cran au-dessus du Brio d’Yvan Attal qui ne faisait que survoler cette problématique sans la creuser, sous prétexte de disserter de l’art oratoire. Cette fois, c’est bel et bien son sujet et le réalisateur n’en évite aucun aspect. Affleure aussi un questionnement global qui soulève une question morale fondamentale quant à la juste attitude à adopter en temps de crise. C’est toute la différence qui existe entre la résistance et la collaboration, le courage et la soumission.
François Cluzet
Voici un spectacle brillant qui a le mérite de poser des questions épineuses et de renvoyer le spectateur à ses responsabilités, en mettant en scène un cas de conscience d’une actualité brûlante. Ajoutons que les performances de Jérémie Renier en victime et de François Cluzet en prophète de malheur passé maître dans l’art de la victimisation culpabilisante contribuent pour une bonne part au malaise insidieux qu’engendre sa rhétorique sournoise, à travers des dialogues ciselés à la perfection. Philippe Le Guay met en scène avec infiniment de précautions ce duel à fleurets mouchetés et réussit à distiller le trouble, sans jamais céder à l’ambiguïté qu’implique un sujet aussi périlleux. Avec cette image puissante qui assimile symboliquement cet homme de la cave à un rat qui menace de ronger les fondations d’un immeuble bourgeois comme les autres. En souhaitant que ce film nécessaire connaisse le plus grand rayonnement en suscitant les débats constructifs de salubrité publique qui s’imposent dans un climat par ailleurs délétère.
Jean-Philippe Guerand
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