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“Le trésor du petit Nicolas” de Julien Rappeneau




Film français de Julien Rappeneau (2020), avec Ilan Debrabant, Jean-Paul Rouve, Audrey Lamy, Pierre Arditi, Grégory Gadebois, Jean-Pierre Darroussin, François Morel, Adeline d’Hermy, Noémie Lvovsky, Philippe Uchan… 1h43. Sortie le 20 octobre 2021.






Après Le petit Nicolas (2009) et Les vacances du petit Nicolas (2014) réalisés soigneusement par Laurent Tirard, le troisième opus des aventures du jeune héros imaginé par Sempé et Goscinny a été confié à Julien Rappeneau, fils de Jean-Paul passé par l’écriture avant d’aborder la réalisation en signant notamment une jolie chronique de l’enfance avec le trop méconnu Fourmi (2019) inspiré d’une BD de Mario Torrecillas et Arthur Laperla. Excellente initiative que de confier les rênes du Trésor du petit Nicolas à ce metteur en scène passionné de bande dessinée et de romans graphiques qui avait déjà puisé l’inspiration de Rosalie Blum (2015) chez Camille Jourdy. Non seulement il respecte à la lettre les codes de ce petit héros en culottes courtes, et notamment l’insouciance fantasmée des années 60, mais il a la bonne idée de s’inspirer de certains gimmicks du cinéma de l’époque, à commencer par la poésie de trois films phares : Le ballon rouge (1956) d’Albert Lamorisse, l’adaptation par Louis Malle de Zazie dans le métro (1960) de Raymond Queneau et La guerre des boutons (1962) d’Yves Robert. Le langage est aussi celui de cette époque avec ses expressions désuètes et ses formules conservées précieusement dans la naphtaline.






Le trésor du petit Nicolas est le plus réussi des pans de cette trilogie en devenir. Parce qu’à aucun moment Julien Rappeneau n’y succombe à la tentation du clin d’œil appuyé ou de l’anachronisme complice. Sa nostalgie a quelque chose d’indéniablement authentique et sa représentation de la France périurbaine raccorde parfaitement avec celle filmée “à chaud” par Jacques Tati dans les séquences les plus réalistes de Mon oncle (1958). Il perpétue par ailleurs un phénomène caractéristique du cinéma français de cette dernière décennie, de L’élève Ducobu aux Profs : la tentation de montrer une école idyllique qui ne cadre pas vraiment avec la réalité actuelle, mais témoigne d’une insouciance rassurante. Une façon radicale de montrer une fiction plus souriante que la réalité. Avec, en prime, une formidable galerie de personnage confiée à des interprètes prestigieux qui jouent le jeu avec respect mais sans jamais chercher à tirer la couverture à eux outre mesure, ni surtout à moderniser ce film qui fascine par son soin maniaque à reconstituer une époque, en nous donnant l’impression de voir prendre vie un album de photos de famille dont le chef opérateur Vincent Mathias a exhumé avec bonheur la patine.

Jean-Philippe Guerand






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