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“La fracture” de Catherine Corsini




Film français de Catherine Corsini (2021), avec Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmaï, Aïssatou Diallo Sagna, Jean-Louis Coulloc’h, Camille Sansterre, Ferdinand Perez, Clément Cholet, Ramzi Choukair… 1h38. Sortie le 27 octobre 2021.



Valeria Bruni Tedeschi et Marina Foïs



Un soir de manifestation de Gilets jaunes, un afflux soudain de patients provoque toutes sortes de tensions au sein d’un établissement hospitalier confronté à son manque endémique de moyens. Partant de ce postulat, Catherine Corsini dresse l’état des lieux d’un pays en crise qui se trouve au bord de l’implosion. En appuyant délibérément là où ça fait mal, elle signe une étude de mœurs virulente qui s’appuie sur une galerie de portraits aussi cocasse que tragique. Cette Fracture est aussi sociale que morale et physique. C’est celle qui mène aux urgences Raphaëlle (Valeria Bruni Tedeschi), sous la protection de Julie (Marina Foïs), sa compagne avec laquelle elle était sur le point de rompre et aime à se donner en spectacle sans aucune pudeur, mais aussi le routier révolté Yann, victime d’une bavure au cours d’une manifestation. Jusqu’au personnel hospitalier qui doit faire face coûte que coûte à ces circonstances exceptionnelles, y compris à la crise de démence d’un désespéré en proie à une affection psychiatrique qui n’aurait jamais dû échouer là.



Valeria Bruni Tedeschi et Marina Foïs



Dans un cinéma français qui ne prend que trop peu en compte la réalité socio-politique du pays, La fracture a le mérite de dresser un constat sans appel sans se perdre dans les mots inutiles. Catherine Corsini s’y inscrit délibérément dans la tradition illustrée naguère par des cinéastes tels que Lindsay Anderson dans Britannia Hospital (1982) et certains fleurons de la comédie italienne. L’humour y est plus que jamais la politesse du désespoir, un moyen efficace de rendre attrayant un message particulièrement virulent sur le dénuement et la désorganisation d’un système de santé célébré dans le monde entier dont Michael Moore affirmait dans Sicko (2007) qu’il justifie que les Français forment un peuple d’incorrigibles romantiques. En prenant le parti d’en rire, la réalisatrice joue la carte du cinéma le plus populaire qui soit, et s’adresse ainsi au plus grand nombre. Un cri du cœur qui trouve un écho assourdissant dans la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19, le Ségur de la santé et le phénomène de masse que constitue la désertion récente d’un personnel hospitalier privé de moyens. Voici un film qui joint l’utile à l’agréable et dont le retentissement dépasse les limites du cinéma pour atteindre à l’engagement citoyen. En période pré-électorale, cette œuvre de salubrité publique apparaît comme essentielle.

Jean-Philippe Guerand







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