Film franco-belge de Xavier Giannoli (2021), avec Benjamin Voisin, Cécile de France, Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Jeanne Balibar, Gérard Depardieu, André Marcon, Louis-Do de Lencquesaing, Salomé Dewaels, Jean-François Stévenin, Saïd Amadis… 2h29. Sortie le 20 octobre 2021.
Benjamin Voisin et Cécile de France
Un mois après la version minimaliste d’Eugénie Grandet réalisée par Marc Dugain, Balzac est de nouveau à l’honneur avec Illusions perdues revu et corrigé par Xavier Giannoli. Aux scènes de la vie de province succède une fresque parisienne que l’adaptation de Jacques Fieschi a réussi à respecter en la soumettant pourtant à quelques aménagements plutôt habiles, notamment en fusionnant plusieurs personnages pour enrichir un caractère, en escamotant l’une des rares figures positives du roman, d’Arthez, et en se concentrant sur ce que Giannoli considère comme l’essentiel : une chronique cinglante de l’arrivisme en milieu hostile. L’histoire est connue : débarqué de sa province pour conquérir la capitale, sous la Restauration, après avoir séduit une belle aristocrate dont la cousine va l’introduire parmi le tout-Paris, le jeune poète Lucien de Rubempré né Chardon va choisir le journalisme afin d’accéder aux cercles les plus proches du pouvoir, quitte à s’y brûler les ailes et à abandonner ses ambitions initiales en trahissant sa véritable nature.
Benjamin Voisin et Vincent Lacoste
C’est lorsqu’il étudiait les lettres que Xavier Giannoli a découvert le roman de Balzac dont il a laissé l’adaptation mûrir pendant près de trois décennies. Il évolue donc en terrain familier et a pris le temps de laisser le texte reposer pour n’en conserver que les aspects qui le concernaient le plus directement en se concentrant essentiellement sur la deuxième partie du roman : “Un grand homme de province à Paris”. Décrit par Maurice Bardèche comme une « dilution de la vérité entre les impostures », cet ouvrage dédié par Balzac a Victor Hugo est propice au tableau de mœurs qu’en tire Giannoli par la modernité des passions qui s’y expriment et la personnalité de ses protagonistes. C’est sans doute là que le réalisateur frappe le plus juste, tant son casting s’avère judicieux. Découvert dans Été 85 de François Ozon, Benjamin Voisin possède l’innocence pervertie de ce provincial dont les ambitions vont se fracasser contre la muraille de ceux qui sont nés parisiens et ne supportent pas les transfuges, à commencer par le journaliste cynique qu’incarne Vincent Lacoste, l’écrivain à la mode qu’interprète le réalisateur Xavier Dolan et l’éditeur tout-puissant campé par Gérard Depardieu qui nourrit son personnage d’au moins deux autres de ses compositions : dans Le colonel Chabert (1994) d’Yves Angelo et le téléfilm de Josée Dayan Balzac (1999). Illusions perdues est une comédie humaine fourmillante qui fait honneur au cinéma français par son ambition et sa complexité.
Jean-Philippe Guerand
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