Documentaire français de François Ruffin et Gilles Perret (2020), avec François Ruffin, Bruno Bonnell… 1h25. Sortie le 13 octobre 2021.
Gilles Perret et François Ruffin
François Ruffin n’a pas son pareil pour appuyer là où ça fait mal. Après des débuts fracassants avec Merci patron !, une charge caustique contre l’horreur économique à la façon de Bernard Arnault qui a obtenu le César du documentaire en 2017, quelques mois à peine avant d’être élu député sous l’étiquette de la France insoumise, il a alors pu joindre les gestes aux mots et aux images en se faisant le défenseur des obscurs et des sans-grade à la tribune de l’Assemblée nationale, notamment à travers un discours mémorable destiné à réhabiliter le travail des femmes de ménage de la Chambre des députés. Avec J’veux du soleil (2019), Ruffin a décidé de s’associer avec Gilles Perret, ci-devant réalisateur d’une demi-douzaine de documentaires engagés, parmi lesquels L’insoumis (2017) consacré à Jean-Luc Mélenchon, pour témoigner du mouvement des Gilets Jaunes et prendre le pouls d’une nation en capilotade. Les larrons en foire récidivent aujourd’hui avec Debout les femmes !
Comme souvent chez Ruffin, l’affaire débute par la défense d’une juste cause : celle des femmes en situation précaire qui veillent sur les malades, les personnes âgées et autres parias de la société, sans bénéficier pour autant d’un statut digne de ce nom ou d’une quelconque sécurité de l’emploi. Dans cette croisade, le député de la France insoumise se voit associé à un représentant de la République en marche en la personne du très libéral Bruno Bonnell. L’un et l’autre ont en commun de se considérer mutuellement comme « une tête de con ». L’affaire semble donc bien mal emmanchée. Mais c’est compter sans leur détermination commune et une véritable marche en faveur des fameuses premières de cordée qui se dévouent corps et âme pour des salaires de misère, à travers la France en pleine pandémie qui va les rapprocher. Ce Road Movie aussi touchant que cocasse est par ailleurs l’occasion de vérifier de visu la situation absurde de ses travailleuses sociales dépourvues de statut que le Code du Travail a reléguées dans une sorte de Triangle des Bermudes de notre droit. Quand arrive la défense de la proposition de loi, Bonnell s'étant fait porter pâle pour raison de santé, c’est Ruffin qui doit affronter seul ses collègues, chacun de ses articles étant rejeté… sauf un qui concerne le remplacement d’un terme méprisant par un qualificatif plus conforme à la réalité.
Debout les femmes ! est un document sur les invisibles de la république, chargés d’exécuter ses plus basses besognes, mais jugés indignes par la représentation nationale de bénéficier d’un statut en bonne et due forme, avec horaires et conditions de travail clairement balisés. Il repose sur une constatation édifiante : cette cause n’intéresse que celles et ceux qui sont concernés, non seulement les travailleuses précaires, mais aussi parfois les personnes qui bénéficient de leurs services. Le film ménage d’ailleurs un véritable twist quand le hâbleur René Bonnell retrouve son sérieux pour se livrer à une confession extrêmement touchante qui justifie son implication sincère au service de cette cause. En cela, ce film est aussi un jeu de la vérité saisissant dont le final part d’une intention généreuse qui touche par sa maladresse et cette chaleur humaine sincère qui est devenue la signature reconnaissable de Ruffin à toutes les tribunes.
Jean-Philippe Guerand
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