Film franco-belgo-algérien de Kamir Aïnouz (2020), avec Zoé Adjani-Vallat, Amira Casar, Lyes Salem, Louis Peres, Idir Chender, Axel Granberger… 1h40. Sortie le 6 octobre 2021.
Zoé Adjani-Vallat et Louis Peres
Couvée dans le cocon d’un foyer berbère cossu et laïc de la banlieue chic, Selma se trouve confrontée en 1993 aux problèmes d'une jeune fille occidentale de 17 ans. Jusqu’au moment où son insouciance est gâchée par la montée du fondamentalisme dans son Algérie natale et un profond désaccord entre ses parents qu’elle a toujours connus heureux. Kamir Aïnouz n’est autre que la demi-sœur du cinéaste brésilien Karim Aïnouz qui est lui-même parti récemment sur les traces de ses origines dans un documentaire intitulé Algérien par accident. Épaulée au scénario par Marc Syrigas, dont le nom a naguère été associé à La nouvelle Ève (1999) et aux Beaux gosses (2009), la réalisatrice s’attache dans son premier long métrage à cet âge des possibles qui caractérise la fin de l’adolescence, avec toutes les problématiques que cela implique. Cigare au miel propose par ailleurs une réflexion identitaire à travers la vie facile de cette jeune fille qui résiste au patriarcat en revendiquant son émancipation, mais va devoir assumer le poids de ses origines, quitte à se mettre en danger en sortant de sa bulle pour s’affirmer comme une femme libérée qui refuse un retour à un obscurantisme d'un autre âge.
Zoé Adjani-Vallat et Amira Casar
Riche d’une première vie à l’écart du cinéma, Kamir Aïnouz s’est choisie comme porte-parole une comédienne absolument formidable qui n’est autre que la nièce d’Isabelle Adjani : Zoé Adjani-Vallat, également issue d’une famille partagée entre deux cultures. En choisissant pour protagoniste une jeune bourgeoise plutôt favorisée, elle met aussi en scène la notion d’exil et de déracinement avec ce besoin concomitant de se mettre en paix avec ses origines qui coïncide souvent avec l’entrée dans l’âge adulte. Selma a beau se sentir comme un poisson dans l’eau parmi la bourgeoise parisienne, elle va voir ses certitudes ébranlées par des événements dramatiques lointains et les dégâts collatéraux qui minent la complicité entre ses parents, superbement incarnés par Amira Casar et Lyes Salem. Comme si les fracas du monde restaient soumis au fameux pouvoir aléatoire d’un simple battement d’ailes de papillon. Cette chronique d’apprentissage sensible et sensuelle possède la saveur de cette pâtisserie orientale que goûte tant sa jeune héroïne.
Jean-Philippe Guerand
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