Film américain de Liesl Tommy (2020), avec Jennifer Hudson, Forest Whitaker, Marlon Wayans, Audra McDonald, Mary J. Bilge, Marc Maron, Tituss Burgess… 2h25. Sortie le 8 septembre 2021.
La disparition d’Aretha Franklin, à la fin de l’été 2018, a démontré la puissance charismatique de cette fille de pasteur baptiste devenue la “Reine de la Soul”. Dotée dès sa prime enfance d’une voix exceptionnelle qui fait l’admiration de sa famille, mais aussi des nombreux visiteurs qui fréquentent son foyer, la chanteuse va connaître une destinée à la démesure de son talent exceptionnel en mettant sa notoriété au service la grande cause de son époque : la lutte pour les droits civiques, notamment aux côtés du révérend Martin Luther King et à travers l’un de ses titres emblématiques, “Respect”, devenu un hymne de cette cause. En se voyant confier sa vie, la réalisatrice sud-africaine Liesl Tommy, dont c’est le premier film, a sacrifié à toutes les règles du genre. Certaines vies sont toutefois plus palpitantes que d’autres. Alors il souligne ses aspérités les plus flagrantes : la mort de sa mère, le pouvoir exercé par son père, sa tentation ponctuelle pour l’alcool. Avec en filigrane une Amérique en ébullition agitée par de multiples révoltes dont aucune ne deviendra une véritable révolution.
Jennifer Hudson
La force de Respect est d’épouser esthétiquement les époques qu’il traverse. Les années 50 arborent les textures et les couleurs du cinéma en Technicolor, les Sixties la rugosité des images télévisées, la décennie 70 les coupes afro et l’influence de la mode disco. Avec en guise de fil rouge l’incroyable répertoire d’Aretha Franklin qui a accumulé les records, dont pas moins de dix-huit Grammy Awards, et reste l’artiste féminine ayant vendu le plus de disques vinyles et la chanteuse la plus souvent classée dans l’histoire de l’industrie discographique américaine. Aucun misérabilisme dans cette hagiographie (méritée !) dont l’héroïne n’a pas vraiment eu à se battre pour sortir de la misère. Elle a grandi dans un milieu aisé, entourée d’artistes, et les fées se bousculaient autour de son berceau. C’est dire que cette chanteuse d’exception devenue l’une des égéries les plus respectées de la communauté afro-américaine se devait d’être célébrée dans un biopic, elle qui effectua son apparition cinématographique la plus mémorable dans Blues Brothers (1980) de John Landis et fit l’objet d’un documentaire posthume de Sydney Pollack intitulé Amazing Grace (2018) et signé par Alan Elliott.
Marlon Wayans et Jennifer Hudson
Sans jamais insister sur les sujets qui fâchent, essentiellement ses addictions et ses rivalités artistiques parfois féroces, Respect coche toutes les cases de son cahier des charges avec un atout maître : la présence dans le rôle principal de Jennifer Hudson, choisie par Aretha Franklin en personne, qui exploite ses qualités de comédienne et de chanteuse à travers une composition d’un mimétisme total. Elle rend là un hommage appuyé à celle qui demeure aujourd’hui encore un modèle par son talent autant que par son engagement. Parmi ses principaux partenaires, c’est l’inoubliable interprète de Charlie Parker dans Bird, Forest Whitaker, qui incarne son père manipulateur et confère une certaine humanité à ce personnage ambigu devenu le gourou de sa fille. Il constitue par ses ambiguïtés l’une des rares aspérités de ce Respect si… respectueux qui s’écoute autant qu’il se regarde.
Jean-Philippe Guerand
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