Film français de Laurent Lafitte (2020), avec Laurent Lafitte, Karin Viard, Vincent Macaigne, Hélène Vincent, Nicole Garcia, Pauline Clément, Luca Malinowski, Christine Beauvallet, Juliette Bettencourt… 1h38. Sortie le 15 septembre 2021.
Laurent Lafitte et Karin Viard
Laurent Lafitte possède cette faculté rare de ne jamais être tout à fait où on l’attend. Pensionnaire de la Comédie Française vu au cinéma sur des registres très différents, du chanteur à minettes d’Elle l’adore (2014) de Jeanne Herry à l’ex de Marina Foïs dans Papa ou maman (2015) de Martin Bourboulon, il passe aujourd’hui à la réalisation en portant à l’écran une pièce à succès de Sébastien Thiéry. Il y incarne lui-même un homme dont le cœur s’arrête de battre mystérieusement et à qui une coach de vie préconise une épreuve contre nature pour rompre cette malédiction. En révéler davantage reviendrait à déflorer cette comédie provocante qui se vautre dans la scatologie avec une complaisance qu’on qualifiera de régressive. Certains en riront à gorge déployée, d’autres auront sans doute honte d’esquisser ne serait-ce qu’un sourire face à des situations parfois délibérément embarrassantes sinon inconvenantes. L’origine du monde repose sur ce clivage qui n’a pas empêché le grand public de ménager un triomphe à la pièce.
Laurent Lafitte, Hélène Vincent et Vincent Macaigne
Le culot de Lafitte consiste à ne jamais bouder son plaisir et à recruter comme complices des “natures”, à commencer par Karin Viard et Vincent Macaigne qui osent vraiment tout. Avec aussi deux jokers inattendus : Nicole Garcia et Hélène Vincent, assez éloignées l’une et l’autre de leur zone de confort habituelle, cette dernière incarnant une mère coincée qui possède entre les jambes un secret tabou qu’un célèbre tableau de Gustave Courbet rebaptisa “L’origine du monde” avec tout le poids que cela implique. Rompu aux subtilités du théâtre, l’acteur-réalisateur mise davantage sur les situations que sur les mots d’auteur et laisse libre cours à son sens consommé du burlesque, quitte à laisser filer certaines séquences, comme s’il souhaitait laisser à son public le temps de les savourer.
Laurent Lafitte, Vincent Macaigne et Karin Viard
Au-delà d’un sujet qui peut choquer par sa crudité (il y est tout de même question de la sexualité des seniors), la mécanique séduit par son tempo implacable et l’absurdité de son prétexte. Lafitte n’est jamais dans le calcul. Il préfère laisser la machine s’emballer et les acteurs essorer littéralement leurs personnages, aussi absurde et même gênante la situation soit-elle susceptible de dégénérer vers la folie la plus absurde. On peut avoir honte de ce rire régressif, en jugeant qu'il manque de noblesse. La même critique fut adressée à Georges Feydeau en son temps. Reste que cette hilarité aussi salvatrice que libératoire possède la salubrité radicale d'un exutoire délirant.
Jean-Philippe Guerand
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