Accéder au contenu principal

“Le sommet des dieux” de Patrick Imbert




Film d’animation franco-luxembourgeois de Patrick Imbert (2021), avec les voix de Lazare Herson-Macarel, Éric Herson-Macarel, Damien Boisseau… 1h30. Sortie le 22 septembre 2021.






On ne le dira jamais assez : l’animation française est aujourd’hui l’une des plus brillantes du monde, à la fois par sa richesse et sa diversité. Le sommet des dieux nous en fournit une nouvelle démonstration en puisant son inspiration dans un manga du japonais Jirô Taniguchi, lui-même inspiré d’un roman de son compatriote Vaku Yumemakura publié initialement en feuilleton entre 1994 et 1997, puis plus tard sous forme de manga. L’histoire trouve son origine dans des événements authentiques survenus en 1924 lorsque les alpinistes George Mallory et Andrew Irvine ont trouvé la mort en tentant de conquérir l’Everest, sans que personne ait jamais pu réussir à établir s’ils en avaient ou non atteint le sommet. Jusqu’au moment où émerge mystérieusement de la neige l’appareil photo avec lequel ils s’étaient promis d’immortaliser cet exploit. Commence alors une enquête passionnante qui prend bien vite l’allure d’une somptueuse quête spiritualo-existentielle de haut vol.






Le sommet des dieux possède la grâce délicate inhérente aux œuvres de Jirô Taniguchi (1947-2017) qui ont déjà inspiré à des Européens le film Quartier lointain (2010) de Sam Gabarski et le téléfilm Un ciel radieux (2017) de Nicolas Boukhrief. Il émane en effet de sa philosophie des bouffées de nostalgie qui le désignent comme un lointain cousin oriental de Patrick Modiano par son goût du minimalisme. C’est cet esprit que saisit à merveille dans cettte adaptation du Sommet des dieux Patrick Imbert dont on avait pu apprécier le talent graphique dans deux épisodes du Grand méchant renard et autres contes… (2017) : Un bébé à livrer et Le Noël parfait. Dans la foulée de ce premier essai césarité, il réussit ici à trouver une équivalence graphique saisissante à un sujet qui se situe en fait à mi-chemin entre le documentaire introspectif et le cinéma-vérité.






En évitant de faire appel pour habiller vocalement ses protagonistes à des acteurs de renom ou reconnaissables, il ajoute par ailleurs à l’authenticité de son propos et confère à son propos une densité humaine qui nous embarque en compagnie de ses protagonistes. Le sommet des dieux est une merveille de pudeur et de délicatesse qui use de tons pastels et de lignes épurées pour nous entraîner dans cette dimension métaphysique propre à l’œuvre de Taniguchi. C’est un voyage à accomplir pour goûter à une autre dimension dans un univers au graphisme sublime et dépouillé qui impose Patrick Imbert comme un nouveau maître de l’animation hexagonale issu de la prestigieuse École des Gobelins.

Jean-Philippe Guerand







Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract