Accéder au contenu principal

“L’affaire Collective” d’Alexander Nanau




Colective Documentaire roumano-luxembourgeois d’Alexander Nanau (2019), avec Dan Alexandru Condrea, Liviu Iolu, Razvan Lutac, Mirela Neag, Camelia Roiu, Florin Secureanu, Catalin Tolontan… 1h49. Sortie le 15 septembre 2021.






Nommé à l’Oscar dans les catégories du meilleur film en langue étrangère et du meilleur documentaire, L’affaire Collective débute par un incendie survenu dans une boîte de nuit de Bucarest dont la plupart des blessés, parfois légers, ne ressortiront pas vivants des hôpitaux où il apparaît qu’ils ont été pris en charge dans des conditions anormales. Ce fait divers au bilan tragique met en évidence les défaillances chroniques d’un système de santé roumain rongé par la corruption qui va devenir l’épicentre d’une véritable affaire d’État lorsqu’une équipe de “La gazette des sports” aiguillée par un médecin va mettre à jour ce scandale national qui implique les plus hauts responsables administratifs et une hiérarchie pourrie à tous les échelons. Ce documentaire dépourvu d’interviews et de voix off démonte un à un les rouages d’un système dont le dysfonctionnement reflète un état de déréliction généralisé qui ronge peu à peu ses institutions. L’enquête prend l’allure d’un véritable thriller politique dont aucun directeur de casting n’aurait pu trouver des interprètes aussi convaincants que cette galerie de crapules et de fripouilles en col blanc qui ont dévoyé leurs fonctions et mis en place une organisation mafieuse au détriment de leurs compatriotes.






Aucun film de fiction n’aurait sans doute pu rendre compte avec une telle précision de ce diabolique enchaînement de faits. La vertu de L’affaire Collective est de se positionner comme une œuvre de salubrité publique et d’aller au bout de son propos en utilisant le cinéma comme une arme de dissuasion massive lorsqu’elle se retrouve entre les mains de lanceurs d’alerte pugnaces et avisés. Là, le documentariste n’a qu’à dévider la pelote pour instruire un procès à charge contre ces assassins de l’ordre qui ont réussi par leur pouvoir à faire dériver un système dans son intégralité en utilisant des méthodes mafieuses. Bien au-delà des fonctions habituelles inhérentes au documentaire d’investigation, le film d’Alexander Nanau remplit une fonction citoyenne et civique qui tend à démontrer que le cinéma peut parfois changer le monde sinon l’améliorer.

Jean-Philippe Guerand







Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract