Quo Vadis, Aida ? Film bosno-germano-franco-austro-roumano-hollando-polono-norvégio-turc de Jasmila Žbanić (2020), avec Jasna Đuričić, Izudin Bajrović, Boris Isaković, Johan Heldenbergh, Raymond Thiry, Boris Ler, Dino Bajrović… 1h44. Sortie le 22 septembre 2021.
Jasna Đuričić
La guerre en ex-Yougoslavie a laissé des traces indélébiles dans cette région européenne morcelée dont le cinéma n’a que rarement témoigné de la confusion. Réquisitionnée comme interprète auprès des Casques Bleus cantonnés à Srebrenica, en juillet 1995, en voyant affluer les réfugiés qui redoutent un assaut imminent de l’armée serbe, Aida va se révéler dans l’action pour sauver son mari et ses deux fils. Quitte à devenir une héroïne malgré elle en se substituant à des forces tétanisées par le chaos grandissant. La mise en scène de Jasmila Žbanić vibre au diapason d’un désordre qui va crescendo et repose sur une caméra en mouvement perpétuel qui accumule les morceaux de bravoure pour nous immerger au cœur de cette chronique d’un massacre annoncé qui restera l’un des pires épisodes de cette guerre fratricide.
La voix d’Aïda s’inscrit par son point de vue dans la lignée du célèbre No Man’s Land (2001) de son compatriote Danis Tanovic qui se déroulait quant à lui en 1993 en Bosnie Herzégovine. L’impression de désordre organisé est identique. L’impuissance de la communauté internationale à empêcher un massacre de masse annoncé est la même. À deux décennies de distance, les deux films se répondent comme en écho. Avec en prime ici ce personnage féminin d’Aïda qui va se frayer un chemin héroïque parmi la folie des hommes pour essayer de sauver ce qui peut l’être dans une nation qui est en voie d’implosion. La réalisatrice filme ce moment d’histoire avec une furie impressionnante qui reflète la barbarie d’une tragédie aux plaies encore douloureuses. Elle allie pour cela une virtuosité spectaculaire et une direction d’acteurs remarquable qui vont crescendo au fur et à mesure d’une catastrophe irréversible demeurée l’un des pires épisodes de cette guerre qui a laissé de profondes cicatrices au cœur même de l’Europe. Un film essentiel au propos universel.
Jean-Philippe Guerand
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