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“La troisième guerre” de Giovanni Aloi




Film français de Giovanni Aloi (2019), avec Anthony Bajon, Karim Leklou, Leïla Bekhti, Arthur Verret, Jonas Dinal, Raphaël Quenard, Esdras Registe… 1h30. Sortie le 22 septembre 2021.



Karim Leklou, Leïla Bekhti et Anthony Bajon



Voici un film qui donne chair à des gardiens de l’ordre qui se sont fondus dans notre paysage avec la recrudescence des attentats terroristes sans toujours qu'on y prête garde. Comme des anges gardiens. Des femmes et des hommes en treillis de combat qui patrouillent dans le cadre de la mission Sentinelle afin de détecter tout mouvement suspect, prêts à intervenir à tout moment. Dans son premier long métrage, Giovanni Aloi met en scène ces vigies aux aguets chargées de nous protéger en prévenant l’imprévisible. Carapaçonnés comme des tortues ninjas, ces jeunes soldats tiennent le rôle le plus ingrat qui soit : leur présence doit être à la fois rassurante pour les citoyens ordinaires et dissuasive pour ceux qui se risqueraient à passer à l’acte. Ce sont en quelque sorte des invisibles voyants dont ce film souligne la pression inhumaine qui vire parfois à la psychose pure et simple, l’immaturité ne s’avérant pas la meilleure des conseillères lorsqu’il s’agit de nettoyer les écuries d’Augias.



Karim Leklou et Anthony Bajon


La troisième guerre est asymétrique. Elle se déroule tous les jours dans les rues tranquilles des pays en paix qui vivent sous la menace d’un ennemi indétectable. Du coup, celles et ceux à qui revient la responsabilité de nous protéger endossent une responsabilité écrasante au prix parfois de leur santé mentale. Du jour au lendemain, sous prétexte d’assurer la protection de sa population, la patrie des droits de l’homme s’est soumise à l’état d’urgence en s’habituant à croiser des patrouilles de soldats armés de fusils-mitrailleurs qui n’avaient souvent du combat que l’expérience vécue à travers des jeux vidéo ultra-violents. Le réalisateur inscrit sa démarche au croisement de deux œuvres cinématographiques déterminantes du milieu des années 70 : Taxi Driver de Martin Scorsese pour la paranoïa aiguë qu’exacerbe la solitude dans les grandes villes et Le désert des Tartares de Valerio Zurlini pour l’attente d’un ennemi hypothétique. En l’occurrence, ici, les soldats sont écrasés par une responsabilité écrasante qui les fait basculer dans une autre dimension, à l’instar de ce jeune homme fragile et inexpérimenté que campe Anthony Bajon, décidément impressionnant par sa capacité à ne faire qu’une bouchée de ses rôles, aussi extrêmes soient-ils.

Jean-Philippe Guerand





Leïla Bekhti et Arthur Verret

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