Accéder au contenu principal

“La traversée” de Florence Miailhe



Film d’animation franco-germano-tchèque de Florence Miailhe (2021), avec les voix d’Emilie Lan Dürr, Florence Miailhe, Maxime Gémin, Arthur Pereira, Serge Avedikian, Axel Auriant, Jocelyne Desverchère, Marc Brunet… 1h24. Sortie le 29 septembre 2021.






Lauréate du César du meilleur court métrage pour Au premier jour d’août, en 2002) et nommée précédemment à cette même récompense pour son tout premier film, Hammam, en… 1993, Florence Miailhe appartient à cette génération de cinéastes d’animation qui ont attendu longtemps avant de franchir le cap symbolique du long métrage, tout en accumulant les prix dans des festivals spécialisés tels que Clermont-Ferrand et Annecy où elle a obtenu un Cristal spécial pour l’ensemble de son œuvre en 2015, mais aussi une mention spéciale au festival de Cannes en 2006 pour Conte de quartier. La traversée représente donc un aboutissement d’autant plus attendu par tous les aficionados du cinéma d’animation que son scénario a été primé au festival Premiers Plans d’Angers dès 2010 et que le film a reçu le soutien de la Fondation Gan sept ans plus tard. La réalisatrice y suit Kyona et Adriel, deux enfants chassés par la terreur qui partent en quête de cieux plus cléments et vont se réfugier dans l’adolescence au fil de ce voyage initiatique baigné par la musique de Philippe Kumpel qui ressemble parfois à un périple onirique vers la lumière.






Florence Miailhe poursuit avec ce film d’apprentissage situé dans un monde nourri de multiples inspirations sa collaboration fructueuse avec la romancière Marie Desplechin. Leur propos est universel. La forme qu’il emprunte s’inscrit dans la continuité logique d’un cinéma artisanal nourri de matières aussi expressives que la peinture, le pastel ou le sable pour recomposer un univers fantasmatique qui semble parfois sorti de l’imagination d’un enfant traumatisé par les horreurs de la guerre. Cette harmonie parfois agressive contribue à rendre plus humain un propos que le filtre de la poésie contribue à adoucir, sans pour autant atténuer sa puissance tragique. Ce Road Movie d’apprentissage au graphisme élégant et aux couleurs bariolées est une sorte d’équivalent cinématographique à l’œuvre picturale de Marc Chagall dont la splendeur chromatique accompagne un récit aux résonances intemporelles qui puise à deux sources : les arrière-grands-parents de la cinéaste fuyant Odessa au début du XXe siècle, mais aussi sa mère et son oncle gagnant la Zone libre à pied au cours de l’exode de 1940. L’aboutissement de ces croisements est une œuvre d’art à part entière qui semble parée pour affronter les ans, tant l’intemporalité assumée de son propos s’accompagne d’une esthétique à l’épreuve du vieillissement qui ne se cramponne à aucun effet de mode passé ou présent.

Jean-Philippe Guerand







Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract