The Night House Film américain de David Bruckner (2021), avec Rebecca Hall, Sarah Goldberg, Evan Jonigkeit, Vondie Curtis-Hall, Stacy Martin, Samantha Buck, Laura Marano, Andy Richter… 1h48. Sortie le 15 septembre 2021.
Rebecca Hall
Beth a perdu son époux brutalement. Alors, pour tenter de se reconstruire et de s’habituer à la solitude, elle se réfugie dans la maison qu’il avait fait construire pour abriter leur bonheur où tout lui rappelle son cher disparu. Mais quand elle émerge de ses nuits agitées de cauchemars, elle se trouve confrontée à des phénomènes étranges qui mettent peu à peu en péril son équilibre mental et psychologique et l’incitent à douter. La proie d’une ombre commence comme un film intimiste sur le deuil avant de basculer dans un univers irrationnel où la peur en vient à se substituer au chagrin. IL y a là une dérive qui renvoie à certains films d’Alfred Hitchcock, à commencer par ces œuvres fulgurantes que sont Rebecca (1940) et La maison du docteur Edwardes (1945) dans lesquelles les défunts viennent rappeler les vivants à leur devoir. À ce détail près que le film bascule peu à peu dans une autre dimension en jouant avec nos nerfs, sans qu’on sache si Beth n’est pas en train de sombrer dans la folie. Là où le cinéma hollywoodien est passé maître dans l’art de la surenchère, c’est ici le pouvoir de suggestion de l’image, du son et de la musique qui engendre des frissons.
Rebecca Hall
La mise en scène de David Bruckner colle à cette femme en situation de détresse qui voit ses certitudes se lézarder et son chagrin virer au désespoir. La caméra la harcèle jusqu’à l’étouffer dans une pénombre où la moindre lueur ressemble à une agression. Un tour de force qui repose pour une bonne part sur l’implication de l’actrice britannique Rebecca Hall -dont Woody Allen avait été naguère le premier à pressentir le potentiel-, dans un personnage imaginé par les scénaristes Ben Collins et Luke Piotrowski (de nouveau associés sur un reboot d’Hellraiser) avec suffisamment de subtilité pour que l’actrice puisse se l’approprier. C’est quand le thriller psychologique commence à flirter avec le surnaturel que le film prend une nouvelle dimension en transgressant les codes des histoires de maisons hantées façon Amityville ou Conjuring, le réalisateur lui-même citant parmi ses références personnelles Répulsion (1965) de Roman Polanski et Personal Shopper (2016) d’Olivier Assayas. La proie d’une ombre est une réussite toute en nuances qui joue autant sur la tension que sur l’émotion pour nous entraîner dans une autre dimension, la simple image d’une barque amarrée au bord d’un lac évoquant le Styx, ce fleuve supposé mener en enfer. C’est dire combien cette tragédie mentale convoque de références, en s’en démarquant.
Jean-Philippe Guerand
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