Film franco-belge de Marc Dugain (2020), avec Joséphine Japy, Olivier Gourmet, Valérie Bonneton, César Domboy, François Marthouret, Nathalie Becue, Bruno Raffaelli, Philippe du Janerand… 1h45. Sortie le 29 septembre 2021.
Joséphine Japy
Cet automne cinématographique est placé sous le signe prestigieux d’Honoré de Balzac. Avant Illusions perdues de Xavier Giannoli, qu’on découvrira le 20 octobre, voici l’adaptation par Marc Dugain d’Eugénie Grandet. L’histoire est celle d’une fille de province chargée de trouver un beau parti et qui ne trouve rien de mieux que de défier les aspirations de son propre père en s’entichant de son propre cousin. Passion interdite non pour des raisons de promiscuité quasi incestueuse, mais tout simplement parce que ledit jeune homme s’avère lui-même particulièrement désargenté. Avec en guise de figure tutélaire le père Grandet qui astreint depuis toujours sa femme et sa fille à une vie de privations, alors qu’il leur dissimule une fortune colossale qui l’obsède. Va alors se livrer alors un combat sans merci qui va mettre en péril l’équilibre précaire de cette famille.
César Domboy et Joséphine Japy
Lui-même fin lettré, Marc Dugain trouve dans le roman de Balzac situé à Saumur sous la Restauration matière à étudier les mœurs d’une province figée dans ses préjugés où l’appât du gain devient la raison de survivre d’une bourgeoisie qui s’est substituée à l’aristocratie, mais n’assume pas toujours cette richesse soudaine propre à attiser les convoitises. Au point de sacrifier son unité et ses relations familiales sur l’autel du profit. C’est Olivier Gourmet qui interprète avec l’autorité qu’on lui connaît ce Pater Familias impitoyable, face à la merveilleuse Joséphine Japy en jeune fille romantique qui pense ne rien avoir à perdre en frayant avec un cousin, tant son père lui a imposé de sacrifices et l’a élevée dans l’idée du dénuement.
Olivier Gourmet et Bruno Raffaelli
La mise en scène au cordeau de Dugain s’appuie sur un texte austère et dépouillé qui souligne l’universalité de Balzac en tant qu’observateur impitoyable des mœurs de son époque et plus encore le caractère féministe avant l’heure de cette héritière qui ose contrarier son destin tout tracé. Ces scènes de la vie de province dont cette adaptation ne conserve qu’un “patchwork” se révèlent d’une modernité déconcertante qui justifient l’engouement éclairé du cinéaste Dugain pour cet écrivain trop longtemps associé à des programmes scolaires rébarbatifs. Eugénie Grandet réhabilite cet écrivain majeur par la modernité jamais anachronique d’une mise en scène qui évite le décorum au profit des grands sentiments, en adaptant discrètement sa langue pour la rendre accessible aux spectateurs d’aujourd’hui. Mission accomplie en beauté pour cette étude de mœurs incisive qui assume son romantisme et donne la primauté à ses protagonistes en procédant à une réflexion sur l’ennui comme mode de vie incompatible avec les tourments de la passion.
Jean-Philippe Guerand
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