Film américain de Nia da Costa (2021), avec Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett, Colman Domingo, Kyle Kaminsky, Miriam Moss… 1h31. Sortie le 29 septembre 2021.
Nathan Stewart-Jarrett
Parmi les croquemitaines mythologiques, Candyman occupe une place à part depuis que cette créature maléfique imaginée par Clive Barker a marqué le cinéma de façon indélébile dans le film signé par Bernard Rose en 1992. Trois décennies plus tard, son retour s’effectue dans le contexte des mouvements Black Lives Matter et #MeToo. Son damné est en proie à une malédiction qui renvoie l’Amérique à ses vieux démons. Avec en filigrane cette légende selon laquelle, il suffit de prononcer son nom devant un miroir à cinq reprises consécutives pour voir ressusciter ce spectre de l’époque esclavagiste armé d’un crochet. En s’emparant de ce sujet au fond assez intemporel, le producteur Jordan Peele, ci-devant réalisateur de Get Out (2017) et Us (2019), l’a délibérément mis au goût du jour. Il en a par ailleurs confié les rênes à Nia da Costa, elle-même remarquée pour son premier long métrage, Little Woods (2018). Un choix judicieux à bien des égards.
Yahya Abdul-Mateen II
Candyman nous entraîne dans une Amérique sur laquelle continue à planer l’ombre menaçante de la ségrégation raciale, avec pour corollaire cette volonté de rappeler le peuple noir au devoir de mémoire qui est le sien vis-à-vis de tous ces martyres de la cause sacrifiés en un peu plus de deux siècles. D’un classique du cinéma d’horreur, Nia da Costa tire un film éminemment politique qui trouve des échos dans l’Amérique d’aujourd’hui à travers un tableau saisissant de la communauté noire où règnent des disparités sociales presque aussi choquantes que le traitement que les États-Unis réservent aux minorités ethniques. Le cadre du film est lui-même hautement symbolique : c’est celui d’une résidence de luxe édifiée sur les décombres d’une cité insalubre située en plein cœur de Chicago. Quant à son personnage principal, c’est un peintre en panne d’inspiration qui croit pouvoir se nourrir impunément de la fameuse légende de Candyman. Bref, en quelque sorte un traître à la cause qui va ouvrir la boîte de pandore. Le scénario est suffisamment intelligent pour ménager ses effets et nous épargner le torrent habituel d’hémoglobine, au profit d’une réflexion subtile sur les pièges de l’arrivisme et par rebond les dangers de la Cancel Culture. Cette version en prise avec son époque va bien au-delà de son habillage de film de genre pour nous en proposer un portrait dénué de complaisance, mais pas de pertinence.
Jean-Philippe Guerand
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