Documentaire franco-syrien de Xavier de Lauzanne (2020), avec Leïla Mustapha, Marine de Tilly, Gulistan… 1h30. Sortie le 8 septembre 2021.
Certains personnages forcent le respect. Tel est le cas de Leïla Mustapha, élue maire de la ville syrienne de Raqqa à l’âge de 30 ans, en avril 2017. Un triple défi en raison de sa jeunesse, de son sexe et de son appartenance à la communauté kurde, qui plus est sous un régime dictatorial. C’est en décidant d’accompagner sur place la journaliste Marine de Tilly dans le cadre d’un livre consacré à cette personnalité politique atypique que le réalisateur Xavier de Lauzanne a signé le premier volet d’une trilogie en devenir, intitulée La vie après Daech. Tout est à refaire dans l’ex-capitale autoproclamée de l’état islamique devenue un champ de ruines. Une reconstruction à laquelle s’est attelée dès son élection cette ingénieure en génie civil musulmane et célibataire qui n’aurait pu rêver chantier plus ambitieux pour apporter sa contribution personnelle à une cause nationale. 9 jours à Raqqa est un journal de bord au travers duquel s’esquissent à la fois le portrait d’une femme exceptionnelle par sa capacité d’endosser la résilience collective d’une ville martyrisée, mais aussi l’état des lieux d’un pays ravagé par la guerre civile et l’occupation de Daech.
Leïla Mustapha
Auteur de plusieurs documentaires accueillis avec bienveillance par le public, dont D’une seule voix (2008), Enfants valises (2013) et Les pépites (2016), Xavier de Lauzanne se laisse ici dicter sa mise en scène par la journaliste qu’il accompagne et ne s’en détache que très rarement. Comme s’il était chargé par son éditeur d’assurer la promotion de son ouvrage, “La femme, la vie, la liberté” (Stock, 2020). Du coup, son film pâtit des états d’âme de Marine de Tilly, inquiète de pouvoir réunir suffisamment de matière pour nourrir son livre dans le bref délai qui lui est imparti. C’est d’autant plus regrettable que son interlocutrice est une femme lumineuse, Leïla Mustapha, qui cumulait tous les handicaps pour accéder au pouvoir, mais s’est imposée par sa spécificité comme la seule alternative possible à la barbarie. Il suffit d’écouter et de regarder attentivement cette femme moderne pétrie d’humanité et étrangère à tout esprit revanchard pour être convaincue que cette guerre a fait émerger une figure hors du commun dans un paysage dévasté par la folie des hommes. On aurait juste souhaité passer plus de temps seuls à seuls avec elle, même si 9 jours à Raqqa esquisse un portrait qui reste à approfondir. Mais l’avenir s’en chargera assurément, qu’il soit heureux ou assombri.
Jean-Philippe Guerand
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