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“Une histoire d’amour et de désir” de Leyla Bouzid




Film français de Leyla Bouzid (2021), avec Sami Outalbali, Zbeida Belhajamor, Diong-Keba Tacu, Aurélia Petit, Mahia Zrouki, Bellamine Abdelmalek, Mathilde La Musse, Céline Rotard… 1h42. Sortie le 1er septembre 2021.



Sami Outalbali et Zbeida Belhajamor



Deux étudiants se rencontrent dans un amphi d’une université parisienne. Ahmed est français d’origine algérienne, Farah est tunisienne. L’amour leur sourit, mais lui entreprend de résister à son attirance pour cette jeune fille avec qui il plonge dans des ouvrages littéraires arabes érotiques du douzième siècle dont la sensualité va soumettre leurs sens à rude épreuve. Révélée par son premier film, À peine j’ouvre les yeux (2015), Leyla Bouzid confronte ici le sentiment amoureux d’un jeune homme timoré à des fantasmes extrêmement sophistiqués qui le tétanisent. La réalisatrice aborde à travers ce stratagème les multiples enjeux que représente la première expérience sexuelle pour un garçon. Un sujet rarement traité à l’écran. Elle montre aussi deux visages très différents de la jeunesse maghrébine, tiraillée entre des interdits conformes à la doctrine de l’Islam et la promiscuité permissive d’une société occidentale volontiers considérée comme permissive jusqu’à l’immoralité.



Zbeida Belhajamor et Sami Outalbali



Comme l’indique son titre, Une histoire d’amour et de désir s’attache à la cristallisation, ce moment magique théorisé en 1822 par Stendhal dans “De l’amour”. Leyla Bouzid s’attache à ce phénomène qu’elle distend et grossit pour mieux l’analyser. Ses personnages se comportent à l’opposé de la société au sein de laquelle ils évoluent où les couples se font et se défont au gré des pulsions sexuelles davantage que des grands sentiments. Elle remonte en quelque sorte aux origines de l’amour courtois, en le transposant dans une époque qui y a renoncé au profit d’une promiscuité trompeuse. Il y a chez ces jeunes gens un salubre retour aux sources qui reflète à la fois une très haute idée de la passion et la puissance d’un idéal d’une rare noblesse. Pour Leyla Bouzid, Ahmed et Farah sont un prince et une princesse qui se font une très haute idée des sentiments en un temps qui les a banalisés. En préférant suggérer que montrer, ce film subtil manifeste la force d’un aiguillon. Gageons que le bouche-à-oreille en fera l’un des succès surprise de cette année qui en a tant besoin.

Jean-Philippe Guerand




Sami Outalbali et Céline Rotard

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