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“Un triomphe” d’Emmanuel Courcol




Film français d’Emmanuel Courcol (2019), avec Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho, Sofiane Khammes, Pierre Lottin, Wabinlé Nabié, Alexandre Medvedev, Saïd Benchnafa, Marina Hands, Laurent Stocker… 1h46. Sortie le 1er septembre 2021.






Le point de départ de ce film n’est pas d’une folle originalité. Il a servi récemment à plusieurs reprises comme prétexte à des comédies sportives conçues autour du pouvoir de la rédemption. Un triomphe transpose ce concept de Feel Good Movie en prenant pour personnage principal un comédien en quête de rôles qui accepte de former des détenus à l’art théâtral au cours d’ateliers réguliers. Aveuglé par sa propre passion, il s’étonne de l’insouciance de ses élèves qui ne se sont inscrits que pour échapper à des corvées plus pénibles et pour se faire bien voir de l’administration pénitentiaire. Jusqu’au moment où la passion de l’homme de théâtre un rien désabusé s’avère suffisamment communicative pour séduire quelques trop durs séduits par ce langage qui leur paraît exotique et des rôles dans lesquels ils se reconnaissent. Petit à petit se produit un miracle qui va faire de ces taulards incultes des acteurs imprégnés de leur art et leur valoir un immense privilège…



Saïd Benchnafa, Kad Merad et Pierre Lottin



Un triomphe est la transposition française d’un film suédois lui-même inspiré de faits authentiques survenus en 1985. Un détail anodin qui se révèlera en fait capital car il justifie à lui seul le twist final. Reste l’essentiel : Cette histoire exalte une passion communicative qui revêt la puissance d’un véritable sacerdoce. Kad Merad incarne cet acteur modeste confronté à des fins de mois difficiles qui exerce sa mission avec une véritable envie de transmettre et se trouve confronté à des personnages comme on n’en rencontre que dans les films. Des vrais durs façonnés par l’école de la vie qui prennent comme une révélation ce théâtre classique dont la langue va peu à peu les toucher et les situations les renvoyer bizarrement à leur propre vécu. Parce qu’ils vont trouver dans l’abstraction d’“En attendant Godot” et dans la langue de Samuel Beckett une abstraction qui va nourrir leurs fantasmes et leur fantaisie. Il faudrait citer ici l’intégralité des comédiens qui interprètent ces prisonniers auxquels l’art dramatique apporte une sensation d’évasion enivrante. David Ayala, Lamine Cissokho, Sofiane Khammes, Pierre Lottin, Wabinlé Nabié, Alexandre Medvedev et Saïd Benchnafa donnent une étonnante vitalité à cette confrontation entre deux mondes, face à un Kad Merad qui n’a jamais à ce point renoncé à ses réflexes professionnels pour se prémunir contre la fougue déroutantes de ses partenaires et une direction d’acteurs particulièrement efficace.

Jean-Philippe Guerand





Kad Merad et Laurent Stocker

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