Film français de Nicolas Bedos (2021), avec Jean Dujardin, Pierre Niney, Fatou N’Diaye, Natacha Lindinger, Gilles Cohen, Wladimir Yordanoff, Pol White, Ricky Tribord, Habib Dembélé… 1h56. Sortie le 4 août 2021.
Jean Dujardin
Treize ans : c’est le temps qu’auront dû attendre les fans pour pouvoir découvrir l’opus trois des aventures d’Hubert Bonisseur de la Bath campé par Jean Dujardin. Une saga devenue culte à travers laquelle le scénariste Jean-François Halin a entraîné l’agent secret imaginé par Jean Bruce dans une France d’Après-Guerre campée sur ses bons vieux réflexes identitaires entachés de collaboration, de colonisation et de racisme banalisé. À chaque chapitre de ce revival sa décennie : les Swinging Sixties dans OSS 117 : Le Caire nid d’espions (2006), les années 70 dans OSS 117 : Rio ne répond plus (2008) et aujourd’hui le solde mitterrandien de la Françafrique dans OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire. Nicolas Bedos prend ici la relève de Michel Hazanavicius, tandis que Pierre Niney incarne la génération montante dans le rôle de l’agent OSS 1001, un jeune loup pétri de certitudes.
Pierre Niney
Comme l’a justement anticipé Nicolas Bedos, dont on connaît le naturel frondeur, « la société a bien changé et le fossé s’est creusé entre ceux qui trouveront toujours qu’un tel film n’est pas suffisamment transgressif et ceux qui, au contraire, lui reprocheront de pratiquer un humour “offensant” ». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire donne l’impression d’avoir succombé au diktat du politiquement correct en se prémunissant des critiques éventuelles émanant des racialistes et du mouvement #MeToo, toujours en embuscade pour veiller au grain. Cette saga qui avait tout osé ou presque rentre en quelque sorte dans le rang de la bien-pensance pour ne heurter ni les uns ni les autres. Seul le personnage campé par Jean Dujardin s’autorise quelques saillies, évidemment à imputer davantage à sa maladresse qu’à un mauvais esprit délibéré, à la manière du Bob Saint-Clar incarné par Jean-Paul Belmondo dans Le magnifique (1973) de Philippe de Broca en un temps ô combien plus permissif où le grand public se satisfaisait de propos parfois xénophobes et sexistes et où personne ne trouvait à redire aux clichés colportés par les représentations offensantes de Banania ou Oncle Ben’s.
Dès qu’il s’agit de piques concernant les Africains, par exemple, on a la fâcheuse impression que les réflexions franchement racistes visant les Arabes dans …Le Caire nid d’espions et les Asiatiques dans …Rio ne répond plus, justifiées par la parole libérée d’époques pas si lointaines, ont été édulcorées dans un réflexe d’autocensure. Comme si les prises de conscience récentes de la société rendaient désormais intolérable l’humour frondeur qui a rendu culte cette saga, la tonalité des romans de gare signés par Jean Bruce étant passée du premier au second degré sous l’effet de la contribution de Jean-François Halin. Signe des temps flagrant lorsqu’on s’amuse à comparer les huit adaptations cinématographiques tournées entre 1957 et 1971 avec le triptyque interprété par Jean Dujardin entre 2006 et 2021. L’un des secrets du succès de cette saga réside dans l’écho qu’il a suscité au fil du temps auprès d’un public qui a changé lui aussi. En espérant qu’il ait gardé le même sens de l’humour et surtout suffisamment de second degré pour faire la part des choses. Autres temps, autres mœurs…
Jean-Philippe Guerand
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