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“Le soupir des vagues” de Kôji Fukada




Umi wo kakeru Film japonais de Kôji Fukada (2018), avec Dean Fujioka, Mayu Tsuruta, Taiga, Junko Abe… 1h29. Sortie le 4 août 2021.






En visite dans sa famille japonaise installée sur l’île de Sumatra, encore convalescente du tsunami qui a dévasté une partie de l’Indonésie en 2004, Sachiko y rencontre un jeune homme affable surgi comme un spectre de l’océan pour rejoindre le monde des vivants, sans que personne ne sache vraiment qui il est, ni d’où il peut bien venir. Un inconnu souriant qui va rayonner auprès des personnes qu’il croise, en leur apportant gaieté et insouciance. Sans jamais prononcer un mot, mais en comprenant visiblement plusieurs langues. Par la seule puissance de sa présence discrète. Seule Sachiko semble capable de communiquer avec lui. Certains tombent sous son charme irrésistible, d’autres l’observent avec une défiance teintée d’une certaine suspicion. Comme si le simple fait d’être heureux était déjà louche en soi.






Kôji Fukada est décidément un cinéaste atypique auquel le succès surprise remporté par L’infirmière en juin 2020 a incité son distributeur à donner accès au reste de son œuvre largement ignorée en France, à l’exception d’Harmonium, le film qui l’a révélé en 2017. Tourné l’année suivante, Le soupir des vagues, dont le titre alternatif français plus prosaïque est L’homme qui venait de la mer et qui puise sa source dans le roman de Mark Twain “Le mystérieux étranger”, ressemble à un songe qu’on ne peut apprécier qu’en adhérant à son parti-pris selon lequel tout ne s’explique pas, même au cinéma. Qui donc est cet étrange étranger dont la caractéristique principale est de n’exister que par sa présence ? Cette question centrale va peut à peut se déliter d’elle-même, dans la mesure où il n’existe qu’à travers le regard des autres et n’interfère en rien sur leur vie. Fukada prend en quelque sorte le contrepied passif de Pasolini dans Théorème, en le baignant d’animisme et d’écologie. Son “intrus” doté de pouvoirs irrationnels change lui aussi ceux qu’il croise, mais pas de façon négative. Il possède une aura littéralement christique dont il se garde bien d’abuser et se contente de s’intégrer sur la photo de famille, sans chercher à prendre la place de quiconque.

Jean-Philippe Guerand





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