Documentaire italo-russe de Federico Ferrone et Michele Manzolini (2018). 1h10. Sortie le 1er septembre 2021.
En 1941, Romano Ismani, un soldat italien déjà mobilisé dans une guerre coloniale en Éthiopie en 1935-1936, est envoyé sur le front russe au nom de l’alliance du régime mussolinien avec le Troisième Reich. Alors que ses camarades partent au combat la fleur au fusil, il témoigne d’une inquiétude nourrie de son expérience passée que l’imminence de l’hiver dans la steppe ukrainienne ne contribue qu’à intensifier. Singulière entreprise que celle menée par Federico Ferrone et Michele Manzolini qui réussissent à nous mettre dans la peau d’un appelé, à partir d’un montage d’images d’archive assorti d’un commentaire à la première personne qui traduit son spleen le plus intime et distille des bouffées de nostalgie poignantes. Le dispositif repose sur un parti pris esthétique envoûtant qui traduit la détresse d’un homme embarqué dans un conflit dont il semble être le seul à ressentir l’absurdité mortifère.
Il Varco est une expérience sensorielle unique qui mêle des images d’actualité à d’autres plus abstraites, le tout sur une bande son qui associe des considérations personnelles à une musique omniprésente composée par Simonluca Laitempergher. Le film s’ouvre sur des silhouettes floues qui traduisent visuellement les souvenirs d’une époque reculée à travers le destin d’un soldat inconnu. Il s’achève par un autre conflit survenu en 2018 dans le même territoire. Comme si la guerre était un mal endémique de l’Ukraine. Ici, politique et poétique résonnent en écho au cours d’un voyage sensoriel fascinant qui exprime à travers un homme sans visage identifiable le traumatisme de tous ces combattants anonymes qui se sont sacrifiés pour complaire aux visées mégalomanes de leurs dirigeants. Rarement une œuvre artistique a exprimé avec une telle justesse des visées pacifistes que ce documentaire italien visionnaire.
Jean-Philippe Guerand
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