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“Gogo” de Pascal Plisson




Documentaire français de Pascal Plisson (2019). 1h27. Sortie le 1er septembre 2021.





Il est des histoires qui semblent n’exister que pour être racontées. Celle de Gogo est particulièrement édifiante. Sage-femme pendant trois quarts de siècle, c’est à l’âge canonique de 94 ans que cette arrière-grand-mère kenyane entreprend de passer son examen de fin d’études primaires, devenant ainsi l’écolière la plus âgée de la planète. Le réalisateur Pascal Plisson poursuit l’éloge de l’éducation entrepris dans ses deux précédents films, Sur le chemin de l’école (2013) qui suivait le périple quotidien auquel se livraient quatre enfants du Maroc, d’Inde, de Patagonie et du Kenya (déjà !), dans des conditions parfois épuisantes, pour aller étudier avec leurs camarades, et le grand jour (2015) qui s'attachait à quatre jeunes gens en quête de succès. C’est avec six de ses propres arrière-petites-filles que Gogo intègre cette école que le régime colonial lui a naguère interdit de fréquenter, comme à toutes les filles d’origine modeste de sa génération, et dont elle attend juste qu’elle lui permette de déchiffrer la Bible et la constitution de son pays dans sa langue, le swahili.





Gogo est un Feel Good Movie qui remplit parfaitement son objectif. Difficile de ne pas sourire au spectacle de cette vieille dame qui s’émerveille de ce qu’elle apprend et goûte enfin un plaisir trop longtemps défendu, le regard pétillant de malice. Fidèle à la méthode qui a contribué au succès de ses films précédents, Pascal Plisson s’immisce discrètement parmi les écoliers et guette les émotions qui s’inscrivent sur leurs visages, à l’instar de leur aînée qui prend très au sérieux la mission qu’elle s’est assignée. En revanche, il renonce avantageusement à l’usage de la voix off pour mieux laisser la parole à ses protagonistes qui s’expriment de façon spontanée. Il comprend aussi assez vite le parti qu’il peut tirer du visage parcheminé de Gogo et de son incroyable expressivité. Difficile d’imaginer plus bel éloge de l’instruction que ce film aussi enthousiasmant qu’édifiant. Et tant mieux s'il frise parfois l'angélisme.

Jean-Philippe Guerand







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