Accéder au contenu principal

“De bas étage” de Yassine Qnia




Film français de Yassine Qnia (2020), avec Soufiane Guerrab, Souheila Yacoub, Thibault Cathalifaud, M’Barek Belkouk, Jamil McCraven, Tassadit Mandi… 1h27. Sortie le 4 août 2021.



Soufiane Guerrab et Souheila Yacoub


Comment retrouver le droit chemin lorsqu’on a usé sa jeunesse à percer des coffres-forts pour des butins parfois minables et de moins en moins lucratifs ? Tel est le dilemme auquel se heurte Mehdi, trentenaire impuissant à donner une véritable impulsion à sa vie en adulte responsable. Il est pourtant parfaitement conscient du fait que trouver un emploi stable lui permettrait de vivre enfin en couple avec la mère de son fils. Pour son premier film, Yassine Qnia, remarqué dans les festivals grâce à des courts métrages incisifs qui tournaient déjà autour de la notion d’échec, place la chronique de banlieue sous le signe des polars mythologiques qui ont bercé sa jeunesse. Son admiration pour des réalisateurs comme Jean-Pierre Melville et Alain Corneau l’incite même à mettre en scène la scène la plus emblématique du genre : un casse à l’ancienne dont le réalisme va jusqu’à montrer combien l’ouverture d’un coffre nécessite d’efforts, tant ses parois sont épaisses. Loin d’héroïser son anti-héros, faux dur au sourire charmeur campé par l’excellent Soufiane Guerrab, croisé dans des séries comme Engrenages, Moloch, César Wagner et Lupin, il insiste à dessein sur les défauts de sa cuirasse.



Soufiane Guerrab



Comme le souligne son titre, De bas étage s’attache à un homme en quête de hauteur qui se débat dans une vie qui ne lui convient plus et aspire à se ranger en se fondant dans la foule. Il lui faut pour cela résister au poids de la fatalité sociale et à la tentation de l’argent facile qui l’a obsédé jusqu’alors. Ce sont ses états d’âme qu’expose le film sans s’embarrasser de palabres inutiles. Yassine Qnia insiste sur les expressions qui traversent les visages de ses protagonistes en proie à des sentiments qu’ils ne parviennent pas toujours à exprimer par des mots. Son Mehdi est un taiseux qui cherche sa place dans un monde qui ne l’attend pas. Alors il cherche à reconquérir son ex avec laquelle s’est creusé un fossé dû à leur différence de maturité. Là encore, le réalisateur procède à petites touches en s’attardant sur des détails infimes qui reflètent l’attention particulière qu’il accorde à ses interprètes. D’où cette sensation étrange que nous laisse ce film dont le dénouement ouvert ressemble à une porte entrebâillée derrière laquelle se profilent plusieurs hypothèses d’avenir dont une émancipation qui peut se changer en rédemption.

Jean-Philippe Guerand





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract