Die Welt wird eine andere sein Film germano-français d’Anne Zohra Berrached (2021), avec Canan Kir, Roger Azar, Jana Julia Roth, Özay Fecht, Darina Al Joundi, Aziz Dyab, Meral Perin, Hans Jürgen Alf… 1h59. Sortie le 11 août 2021.
De prime abord, ce film est une merveilleuse histoire d’amour entre Asli, une jeune étudiante en médecine issue de la communauté turque d’Allemagne, et Saeed, un prince des mille et une nuits charismatique, qui semblaient destinés l’un à l’autre. Ce couple idéal, on suit sa rencontre, sa complicité grandissante, son mariage et ces épreuves initiatiques que constituent les présentations aux parents et aux amis de l’un et de l’autre, avec ces secrets de famille qui hésitent à se dévoiler. Anne Zohra Berrached nous fait pénétrer dans l’intimité de ces jeunes gens qui possèdent tous les atouts pour connaître un destin idéal, à l’approche de cet an 2000 qui a nourri leurs illusions depuis leur naissance. Car au-delà de ces personnages qu’on ne quitte pas d’une semelle, et même si la réalisatrice adopte le point de vue d’Asli, Ce qui reste dessine la chronique d’une Allemagne plurielle dans laquelle les origines deviennent un atout pour s’intégrer dans ce pays d’adoption où l’immigration constitue un pari sur l’avenir voire une promesse d’ascension sociale.
Présenté à la Berlinale en 2020, Ce qui reste adopte le ton de la chronique sentimentale en s’appuyant sur un couple particulièrement attachant et une distribution composée à dessein d’inconnus pour accentuer son propos. Ce film linéaire et limpide prendra toutefois a posteriori une épaisseur inattendue qui contraindra le spectateur à effectuer un véritable flash-back afin d’élucider le mystère de sa construction dramaturgique et de comprendre comment la mise en scène a pu le tenir en haleine pendant plus de deux heures et le mener vers un but aussi imprévisible. Parallèlement à l’idylle qu’elle chronique en intégrant volontiers certaines composantes du cinéma sentimental, Anne Zohra Berrached décrit en filigrane une époque de progrès où le métissage s’impose comme un nouveau modèle de société dans ce qui ressemble à une nouvelle Terre Promise, passé le choc d’une réunification parfois douloureuse. La réalisatrice choisit pour cela deux immigrés particulièrement bien intégrés, ne serait-ce que parce qu’ils évoluent dans des milieux sociaux favorisés et profitent de l’expansion économique allemande sans souffrir du moindre ostracisme. Quant à “ce qui reste”, c’est l’espoir ténu qui baigne ce film aussi solaire que crépusculaire où tout peut basculer d’un moment à l’autre et nous contraindre à réviser nos certitudes. C’est aussi l’une des fonctions premières du cinéma.
Jean-Philippe Guerand
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