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“True Mothers” de Naomi Kawase




Asa ga Kuru Film japonais de Naomi Kawase (2020), avec Arata Iura, Hiromi Nagasaku, Aju Makita, Taketo Tanaka, Miyoko Asada, Reo Sato… 2h20. Sortie le 28 juillet 2021.



Arata Iura, Reo Sato et Hiromi Nagasaku



Le cinéma de Naomi Kawase se caractérise avant tout par sa douceur qu’on qualifiera de féminine, à défaut de trouver un dénominateur plus satisfaisant. La réalisatrice japonaise entretient en outre un flirt poussé entre la fiction et le documentaire qui l’incite à aborder des thèmes solidement ancrés dans le quotidien. True Mothers traite d’un sujet universel : l’adoption, à travers le destin d’une collégienne enceinte qui a décidé d’abandonner son bébé à naître en le confiant à un couple trop heureux d’accueillir ce fils providentiel après avoir épuisé toutes les solutions alternatives à sa disposition. Tout se déroulerait idéalement dans le meilleur des mondes si, lorsque le petit garçon a 6 ans, sa mère biologique devenue adulte ne venait à reprendre contact avec sa famille adoptive, quitte à mettre son harmonie en péril en exprimant des désirs impossibles à satisfaire. C’est en effet la notion même de mère qui est soulevée par cette tranche de vie délicate et subtile dont certains cinéastes auraient sans doute tiré un thriller voire pire encore.



Aju Makita et Hiromi Nagasaku



Naomi Kawase procède à son habitude à grands renforts de psychologie et d’humanité. Les questions qu’elle pose se trouvent en plein cœur des débats actuels sur les mœurs dans un pays qui vénère la notion même de famille plus qu’aucune autre. Le cinéaste les aborde avec une empathie qui fait toute la différence, sans donner raison ou tort à qui que ce soit. Ce n’est d’ailleurs pas son propos. Au-delà de son sujet, True Mothers s’interroge sur les liens du sang, mais aussi la part de l’inné et de l’acquis qui fait d’un enfant le fruit de ses géniteurs autant que de ceux qui l’élèvent. Elle-même adoptée, la réalisatrice a trouvé dans le best-seller “Le matin arrive” de Mizuki Tsujimura matière à aborder des questions vraiment existentielles dans le cadre bucolique de sa ville originelle, Nara, célèbre pour les cervidés qui y vadrouillent parmi les humains. En contrepoint, elle a choisi de tourner d’autres scènes du film dans un quartier moderne qui n’est autre que le village olympique des Jeux de Tokyo, alors en cours de construction. Un contraste topographique et architectural représentatif par excellence de ce Japon tiraillé entre tradition et modernité.

Jean-Philippe Guerand




Aju Makita

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