Film canadien de Myriam Verreault (2019), avec Sharon Fontaine-Ishpatao, Yamie Grégoire, Étienne Galloy, Cédrick Ambroise, Caroline Vachon, Mike Innu Papu McKenzie, Annis Desterres… 1h57. Sortie le 7 juillet 2021.
Le cinéma américain a abondamment abordé le problème de la communauté indienne chassée de ses terres par les différentes vagues de colons. Il n’en est pas vraiment de même du Canada qui a pourtant dû faire face à une problématique voisine, même si les différentes tribus s’y sont intégrées tant bien que mal, là où leurs cousins du Sud ont vu leurs réserves devenir de véritables ghettos. Kuessipan s’attache avec réalisme à la situation de ces gens chassés de leurs terres et devenus une quantité négligeable au sein même d’une nation qui les a littéralement frappés d’ostracisme. C’est cette assimilation qui se trouve au cœur du premier long métrage de fiction de la documentariste Myriam Verreault où Mikuan et Shaniss, deux amies d’enfance de la communauté innue basée au nord du Québec voient leurs aspirations les séparer à l’orée de l’âge adulte, l’une restant fidèle à sa réserve, tandis que l’autre aspire à la quitter par amour pour un Blanc.
Aboutissement de cinq années d’immersion passées à se familiariser avec la tribu qu’elle dépeint, Kuessipan (qui signifie “à toi” ou “à ton tour”) s’inspire d’un recueil de nouvelles poétiques écrit par Naomi Fontaine qui entend témoigner de ce qu’elle a vu et vécu au sein de sa communauté d’origine, loin des clichés d’usage, pour sensibiliser les Québécois à cette minorité qui ne compte aujourd’hui que vingt mille membres, mais reste totalement invisible aux yeux de la majorité dominante. C’est dans ce même esprit que la réalisatrice a recruté ses interprètes à l’intérieur même de cette réserve, à commencer par les bouleversantes Sharon Fontaine-Ishpatao et Yamie Grégoire dans les rôles principaux. Son film entend démontrer que si racisme il y a, il est la conséquence d’une méconnaissance réciproque et d’une absence de dialogue fort dommageables. Dès lors, la fiction ne constitue plus qu’un artifice traité a minima où les ressorts dramatiques séduisent par une authenticité validée devant comme derrière la caméra. Mais comme on se trouve au Canada et non aux États-Unis, ce sont le bon sens et l’humanité qui triomphent dans ce film nourri d’une solide observation sociologique et pétri des meilleures intentions.
Jean-Philippe Guerand
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