Accéder au contenu principal

“Helmut Newton, l’effronté” de Gero von Boehm




Helmut Newton - The Bad And The Beautiful Film allemand de Gero von Boehm (2019), avec Helmut Newton, Isabella Rossellini, Charlotte Rampling, Grace Jones, Catherine Deneuve, Claudia Schiffer, Marianne Faithfull, Anna Wintour… 1h33. Sortie le 14 juillet 2021.



Helmut Newton



Figure tutélaire de la photographie moderne, Helmut Newton s’est fait connaître en faisant poser les plus grandes icônes de son époque et en jouant volontiers la carte de la provocation à une époque qui l’acceptait volontiers. Le film que lui consacre le réalisateur allemand Gero von Boehm, s’il est tout à sa gloire, laisse entrevoir combien nous avons changé d’époque depuis sa disparition survenue en 2004. Le mouvement #MeToo est passé par là et fausse sans doute l’image que nous pouvons avoir d’un artiste provocateur qui exacerbait la beauté des femmes en les transformant en objet de ses fantasmes. Ce serait toutefois réduire Newton aux apparences. Les nombreux témoins conviés ici à évoquer sa façon de travailler le décrivent comme un homme plein d’humour qui a su jouer du vent de liberté post-soixante-huitard pour magnifier les femmes, quitte à les instrumentaliser pour assouvir ses fantasmes esthétiques.



Anna Wintour



Évoquer la mémoire d’Helmut Newton, c’est faire l’éloge de la beauté en respectant l’époque dont il a exploité l’insouciance frondeuse. C’est le propre de l’immense majorité des artistes qui sont avant tout, qu’ils le veulent ou non, des témoins privilégiés de leur temps. C’est ce qu’expliquent très bien ses modèles comme Catherine Deneuve, Grace Jones, Claudia Schiffer ou Isabella Rosselini et qu’on entrevoit à travers les séances de pose dont le film propose des images. La patronne du “Vogue” américain Anna Wintour recadre quant à elle le débat en insistant sur le fait que malgré sa gloire internationale, Helmut Newton répondait comme les autres photographes aux sollicitations de ses commanditaires et que s’il a marqué de son empreinte, c’est aussi en s’inscrivant comme créateur dans un système conditionné par des contingences commerciales, sans jamais en devenir l’esclave, ni sciemment ni à son insu. Ce documentaire propose une immersion fascinante dans l’esprit d’un visionnaire qui a eu le bon goût de ne jamais se prendre au sérieux, caractéristique notable qu’il partageait avec sa future veuve, la si discrète photographe Alice Springs, récemment décédée, qui mériterait elle aussi qu’on lui consacre un film.

Jean-Philippe Guerand



Helmut Newton

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract