Accéder au contenu principal

“Bloody Milkshake” de Navot Papushado




Gunpowder Milkshake Film américain de Navot Papushado (2021), avec Karen Gillan, Lena Headey, Chloe Coleman, Michelle Yeoh, Angela Bassett, Carla Gugino, Paul Giamatti, Ralph Ineson… 1h54. Sortie le 21 juillet 2021.






À ceux qui reprochent à Quentin Tarantino de pratiquer un cinéma surchargé de références et d’emprunts, on conseillera la vision de Bloody Milkshake, film lui-même conçu comme une accumulation d’idées recyclées au hasard d’un scénario qui ne fonctionne en fait que comme un simple support à des variations autour d’un même thème. L’argument de départ se révèle malheureusement d’une minceur extrême. Sans l’effet de surprise que pouvait exploiter Drew Goddard dans Sale temps à l'hôtel El Royale (2018), par exemple. Une jeune tueuse à gages déroge à la mission qui lui a été assignée pour sauver une gamine en qui elle croit reconnaître celle qu’elle a été des années plus tôt et que sa mère a abandonnée pour la protéger des dégâts collatéraux provoqués par ses activités. Un acte de bravoure qui braque contre elle son employeur tout puissant, mais lui vaut de trouver des alliées inattendues. On reconnaîtra dans cet argument la substantifique moelle du classique féministe Boulevard de la mort (2007) dans lequel Tarantino mettait en scène une belle bande de harpies, mais aussi les puissantes combattantes de Kill Bill (2003-2004), toujours promptes à défourailler contre d’horribles machos.






Révélé par un film ébouriffant, Big Bad Wolves (2014), le cinéaste israélien Navot Papushado a l’art de l’esbroufe et ne cesse d’en donner des preuves. Parfois même au détriment d’un scénario qui ne sert que de prétexte à des séquences chorégraphiées et stylisées avec art dont l’existence ne répond qu’à une justification dramatique minimale. Bloody Milkshake brille davantage par une virtuosité qui confine parfois à la roublardise que par la rigueur de son scénario. Ses morceaux de bravoure sont d’autant plus remarquables qu’ils répondent à des motivations plutôt minces et ne semblent avoir d’autre objectif que de nous en mettre plein les yeux. Qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait le flacon. Le pilote de ce grand-huit paraît obsédé par un besoin frénétique de faire ses preuves. Il investit des efforts considérables dans des séquences de fusillades millimétrées dont le déroulé est ponctué d’effets spectaculaires parfois redondants et souvent ponctués de ralentis qui renvoient à ces modèles insurpassables que demeurent Sergio Leone et Sam Peckinpah. À cette nuance près que la virtuosité de l’émule ne possède pas la légitimité de celle de ses maîtres et s’exerce à partir d’un argument trop ténu pour captiver réellement. La nature a horreur du vide.

Jean-Philippe Guerand





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract