Film franco-néerlandais de Paul Verhoeven (2021), avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphné Patakia, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Hervé Pierre, Clotilde Courau, Louise Chevillotte, Guilaine Londez… 2h06. Sortie le 9 juillet 2021.
Virginie Efira
Entrée enfant au couvent des Théatines de la ville de Pescia au XVIIe siècle, Benedetta Carlini grandit dans ce milieu confiné et prétend provoquer des miracles grâce à la relation particulière qu’elle entretient avec le fils de Dieu. Jusqu’au jour où elle insiste pour faire admettre dans la communauté une jeune paysanne martyrisée par son père et ses frères. Très vite, les deux femmes vont nouer une relation privilégiée et prendre le pouvoir en défiant la morale en usage… C’est dans le livre de l’historienne américaine Judith C. Brown, “Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne” que Paul Verhoeven a puisé l’inspiration de son nouveau film qui croise bon nombre de ses thèmes de prédilection. Trente-cinq ans après La chair et le sang, qui se déroulait quant à lui au début du XVIe siècle le réalisateur néerlandais remonte à nouveau le temps et prend pour cadre la Toscane en proie aux ravages d’une épidémie de peste qui sert à l’Église pour asseoir sa domination. Ne pas y voir pour autant la moindre parabole sur la pandémie de Covid-19, le film ayant été tourné auparavant et mis au frigo pendant plus d’un an.
Daphné Patakia et Virginie Efira
Verhoeven joue sciemment la carte de la provocation, en dénonçant à la fois l’hypocrisie des autorités ecclésiastiques à travers plusieurs personnages qu’il n’hésite pas à charger, de la révérende de la communauté que campe avec son autorité naturelle Charlotte Rampling au nonce apostolique qu’incarne Lambert Wilson. On imagine le tollé que provoquerait un film tenant un discours équivalent sur la religion musulmane. Verhoeven tire à boulets rouges contre les interdits arbitraires édictés par la hiérarchie catholique, avec la hargne d’un Ken Russell évoquant les possédés de Loudun dans Les diables (1971). À cette différence près qu’à un demi-siècle de distance, les intégristes se sont radicalisés et n’ont pas peur d’appliquer une grille négationniste à l’évocation de certains actes d’intolérance religieuse pourtant incontestables sur le plan historique dont on perçoit certaines résurgences à travers les croisades nauséabondes de la Manif pour tous.
Virginie Efira
Sur le plan de la mise en scène, Verhoeven ne boude pas son goût du grand spectacle, trousse quelques jolis apartés intimistes et s’autorise même quelques digressions oniriques en adoptant le point de vue de Benedetta, littéralement habitée par sa foi, qui va peu à peu assumer son amour pour les femmes au point d’utiliser une statuette de la vierge comme instrument matériel de sa jouissance. Une audace jubilatoire qui ne choquera que les innocents feignant de croire que la sexualité s’arrête aux portes des congrégations religieuses. Avant Benedetta, Intérieur d’un couvent (1978) de Walerian Borowczyk avait déjà évoqué des pratiques voisines au XIXe siècle sans que personne s’en émeuve outre mesure. Reste que ce film arrive sans doute un peu trop tard dans la carrière de Verhoeven, aujourd’hui âgé de 82 ans. On y retrouve toutefois son sens de la mise en scène et surtout cette direction d’acteurs dont il est l’un des maîtres et qui passe par un casting brillantissime.
Virginie Efira
C’est Virginie Efira, qu’il avait dirigée dans un second rôle d’Elle (2016), qui interprète Benedetta, cette nonne schizophrène atteinte des stigmates qui s’exprime avec une voix masculine (celle de Jésus) quand elle est en proie à une crise. À ses côtés, Daphné Patakia remarquée récemment dans la série OVNIs, mais aussi Louise Chevillotte, devenue l’une des actrices fétiches de Philippe Garrel, et puis une riche galerie d’où émergent Clotilde Courau, Guilaine Londez, Olivier Rabourdin ou Hervé Pierre. Un casting royal qui rehausse la qualité du script coécrit par le réalisateur avec David Birke qui avait déjà collaboré à son opus précédent. Seule certitude, Benedetta ne laissera sans doute personne indifférent. Mais le cinéaste de Basic Instinct (1992) et de Showgirls (1995) n’a jamais goûté la tiédeur. Son nouveau film le démontre une nouvelle fois avec une ironie qui n’est surtout pas à négliger.
Jean-Philippe Guerand
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