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“À l’abordage” de Guillaume Brac




Film français de Guillaume Brac (2020), avec Éric Nantchouang, Salif Cissé, Édouard Sulpice, Asma Messaoudene, Ana Blagojevic, Lucie Gallo… 1h35. Sortie le 21 juillet 2021.






Brève rencontre entre une fille et un garçon. Dès le lendemain, Alma part en vacances. Alors, n’écoutant que son cœur, Félix décide de la rejoindre sur son lieu de villégiature et embarque avec lui son copain Chérif. Ils embarquent pour le Sud avec un troisième larron, Édouard, qui a l’insigne avantage d’être motorisé. Le trio va finalement s’entendre comme larrons en foire et passer des quelques jours au soleil en mode improvisation totale. On retrouve dans cette chronique solaire et chaleureuse la fraîcheur et la spontanéité caractéristique du cinéma de Guillaume Brac, digne héritier d’Éric Rohmer qui sait manier le langage et jongler avec ses personnages, comme l’ont déjà démontré Un monde sans femmes (2011) et Contes de juillet (2017) sur un registre voisin. Chez lui, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, mais les garçons et les filles se séduisent toujours avec autant de maladresse que d’envie. À cette différence près qu’ils s’expriment dans leur propre langue, mais conservent la même maladresse face aux grands sentiments que les générations qui les ont précédés.






À l’abordage excelle dans un art de la séduction d’autant plus délicat que rien ne se déroule jamais comme l’escomptaient les protagonistes. Brac excelle aussi sur le registre de la critique sociale. Ses protagonistes sont des jeunes gens bien dans leur époque qui revendiquent leur insouciance, goûtent le vivre ensemble, mais ne se montrent pas toujours très à l’aise dès qu’il s’agit de se frotter aux conventions sociales. Entre Félix qui travaille et Alma qui n’aspire qu’à lézarder, le fossé renvoie à des clivages sociaux qui se perpétuent d’une génération à l’autre. Mais ce n’est pas l’essentiel pour Guillaume Brac qui observe ses personnages avec une empathie communicative et s’interdit de sombrer dans les clichés faciles. Il émane de ces vacances ce qui contribue au charme de cette période dans la réalité : l’insouciance règne et les sentiments se heurtent à un principe de réalité parfois facétieux. Au point qu’un dragueur se retrouve à faire du baby-sitting et que le destin se joue de ces jolis cœurs. Tout l’art de Guillaume Brac réside dans l’empathie qu’il entretient avec ses personnages.

Jean-Philippe Guerand






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