Film français de Peter Dourountzis (2020), avec Pierre Deladonchamps, Ophélie Bau, Sébastien Houbani, Candide Sanchez, Inas Chanti… 1h35. Sortie le 9 juin 2021.
Ophélie Bau
Des tueurs de dames, le cinéma en a souvent représentés. Djé, le personnage principal énigmatique de Vaurien échappe à tous les stéréotypes. C’est un jouisseur qui a décidé de vivre en dehors des normes, mais de ne surtout rien se refuser quand sa libido s’emballe. Derrière son sourire carnassier, affleure une âme noire. Et quand il jette son dévolu sur une femme, il peut la réduire à sa merci d’un simple regard. Pour son premier long métrage, auréolé du prestigieux label Sélection officielle Cannes 2020, Peter Dourountzis n’a pas choisi la facilité. Son approche est davantage celle d’un comportementaliste que d’un psychologue. Jamais il n’essaie de justifier ni même d’expliquer l’attitude de ce hors-la-loi, au sens propre, qui avance sans mobile apparent pour profiter des avantages d’une société au sein de laquelle il refuse de s’intégrer. Chacun de ses forfaits est un crime parfait dans la lignée de l’acte gratuit célébré par André Gide à travers le personnage de Lafcadio des “Caves du Vatican”, tant rien ne le lie à ses proies de rencontre.
Vaurien est l’aboutissement d’un long cheminement pour son réalisateur qui a étudié à l’ESRA avant de se consacrer pendant quinze ans au Samu Social. Une expérience de vie qui lui permet d’éviter les clichés sur la marginalité à travers ce personnage masculin qui n’entend pas se laisser imposer quoi que ce soit et que le séduisant Pierre Deladonchamps campe avec une économie d’effets remarquable. La mise en scène se positionne au diapason en refusant à la fois de glorifier ce protagoniste, de s’attarder sur ses crimes et de mettre en scène l’enquête policière qui se déroule à son insu, mais aussi loin du regard du spectateur Sans doute parce que la raque d’un tueur en série ne peut s’organiser que dans des conditions de confidentialité exceptionnelles pour ne pas éveiller les soupçons du suspect et tenter de l’appréhender en flagrant délit. Difficile de ne pas ressentir un malaise sourd au spectacle de cet être profondément amoral dont la logique échappe à toutes les grilles préétablies du genre. Peter Dourountzis tisse sa toile avec art et impose un point de vue particulièrement perturbant où la fascination et la complaisance n’ont pas leur place.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire