Documentaire français d’Amandine Gay (2020), avec Anne-Charlotte, Joohee, Céline, Niyongira, Mathieu… 1h40. Sortie le 23 juin 2021.
Derrière chaque adoption sourdent des fêlures et des frustrations intimes. Partant de ce principe, Amandine Gay remonte les fils ténus qui lient cinq enfants, aujourd’hui âgés de 25 à 52 ans, à des origines incertaines. À travers eux, elle remonte aux sources en s’interrogeant sur le mécanisme qui a conduit ces gamins originaires de contrées lointaines à devenir de bons petits Français, sans connaître la culture au sein de laquelle ils sont nés. Elle-même adoptée et hantée par ce thème dont elle a fait le point névralgique de son œuvre, la réalisatrice nous donne à partager des bribes de ces existences parfois heureuses, mais toujours entachées d’une zone floue, en se mettant à la recherche du chaînon manquant. Une quête incertaine qu’elle évite d’instrumentaliser par des artifices inutiles, mais porteuse de profondes bouffées d’émotion par essence. Une histoire à soi est un documentaire d’une puissance rare qui repose à égalité sur la personnalité de ses protagonistes et le regard d’une cinéaste qui sait mieux que personne combien il est important de savoir d’où l’on vient pour comprendre où l’on va et surtout qui l’on est.
Évitant la tentation du voyeurisme, et s’effaçant totalement de ce paysage, Amandine Gay nous offre autant d’occasions de rire que de pleurer, tant sa caméra fait corps avec celles et ceux qu’elle accompagne. Pas question non plus du moindre sensationnalisme lorsqu’elle est témoin d’une rencontre déterminante ou d’un coup de blues. Chacune de ces histoires est différente, mais toutes sont portées par des héros du quotidien qui découvrent la vie à côté de laquelle ils sont passés en apprenant à concilier la réalité avec cette inconnue. Le film lui-même constitue par ailleurs l’aboutissement des aventures humaines qui le composent, avec le poids incontrôlable que représente dans chacun des cas évoqués le facteur aléatoire. C’est par cette capacité exceptionnelle à intégrer la vie comme elle vient que ce documentaire s’impose comme une aventure humaine hors du commun autant qu’une leçon de vie(s). Sans succomber pour autant à la moindre tentation morale. Certaines histoires finissent bien, d’autres pas. C’est la vie dont Amandine Gay gère les impondérables comme ils se présentent. En l’acceptant telle qu’elle est.
Jean-Philippe Guerand
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