The Courier Film britanno-américain de Dominic Cooke (2020), avec Benedict Cumberbatch, Merab Ninidze, Rachel Brosnahan, Jessie Buckley, Angus Wright, Anon Lesser, Vladimir Chuprikov, Mariya Mironova… 1h51. Sortie le 23 juin 2021.
La Guerre Froide n’a pas fini de livrer ses secrets. À tous seigneurs tout honneur, les maîtres de l’espionnage s’étant vus célébrés à l’écrit comme à l’écran, c’est désormais aux soutiers de l’ombre de voir leurs exploits dévoilés. Tel est le cas de l’Anglais Greville Wynne, amené à voyager par sa modeste situation de représentant de commerce, quand, en 1960, il se voit chargé par le MI-6 et la CIA de se rapprocher d’un colonel soviétique. Une amitié particulière dont la finalité n’est ni plus ni moins que de désamorcer la crise des missiles de Cuba et d’apaiser la tension nucléaire entre l’URSS et les États-Unis qui a alors atteint son seuil maximum. Une mission écrasante qui se traduit à son modeste échelon par des tâches plutôt anodines et des allers et venues dont l’accumulation s’avèrera de nature à sauver le monde de la menace atomique. Le tout sans éclats ni morceaux de bravoure à proprement parler. On est loin de la mythologie, mais sans doute plus près de la vraie vie.
Un espion ordinaire tranche avec les sagas héroïques de John Le Carré. Son personnage principal évoque celui du Pont des espions de Steven Spielberg par son dévouement et sa fiabilité. C’est un agent de liaison qui accomplit un véritable travail de fourmi dont il ne réalise pas lui-même la portée. Du coup, c’est sa profonde humanité à laquelle s’attache le film à travers son incarnation par le toujours prodigieux Benedict Cumberbatch. L’héroïsme proprement dit est évacué au profit du portrait d’un homme attaché à des valeurs aussi immuables que sa famille et sa patrie. Simultanément, le film montre le quotidien grisâtre d’une Union soviétique qui continue à commercer avec l’Occident et où les relations humaines conservent une importance particulière. Ce pays habituellement décrit comme un peuple est abordé ici d’un point de vue individuel, à travers ce personnage d’officier attachant qu’incarne Merab Ninidze. La facture d’Un espion ordinaire est certes très classique, mais elle joue habilement d’une ambiguïté fascinante, en assimilant la discrétion de Greville Wynne auprès de son entourage immédiat sur ses activités au soin que pourrait prendre un homme marié à dissimuler une liaison extra-conjugale. C’est l’une des réussites de ce film d’espionnage tiré à quatre épingles que de jouer sur cette ambiguïté.
Jean-Philippe Guerand
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