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“Suzanna Andler” de Benoît Jacquot




Film français de Benoît Jacquot (2020), avec Charlotte Gainsbourg, Niels Schneider, Nathan Willcocks… 1h31. Sortie le 2 juin 2021.



Charlotte Gainsbourg



Benoît Jacquot est un cinéaste en mouvement perpétuel qui réussit la gageure de tourner au rythme d’un film par an, en s'efforçant de varier les plaisirs comme les dispositifs et les inspirations. Toujours en quête de sensations nouvelles, il revient en l’occurrence avec son nouvel opus à ses toutes premières amours, lorsqu’il a débuté comme assistant de Marguerite Duras, de 1972 à 1975. Une période clé dans son apprentissage de la mise en scène, dans l’ombre d’une intellectuelle engagée qui cherchait elle-même à creuser son propre sillon cinématographique, quitte à imposer un nouvel ordre dans le rapport de l’image et du son. En cela, Jacquot se trouvait plus légitime qu’aucun autre de ses confrères pour porter à l’écran sa pièce Suzanna Andler, tant il a vu la cinéaste s’emparer de ses propres mots, les triturer et les polir pour mieux les transfigurer à l’écran. L’argument se trouve ici réduit à sa plus simple expression. Lors de la visite d’une maison du Midi où elle envisage de venir passer l’été avec son amant, une femme mariée se voit assaillie par les pensées et les émotions que suscite cette perspective.



Charlotte Gainsbourg et Niels Schneider



Ce huis clos introspectif, Jacquot l’a encore épuré, en réduisant le nombre des protagonistes. Comme c’est souvent le cas chez Duras, c’est le lieu qui habite les personnages et non l’inverse. En cela, la mise en scène se détache de celle de Son nom de Venise dans Calcutta désert (1976) qui dissociait les images de la bande son, mais aussi du hiératisme dépouillé du Camion (1977). Le metteur en scène se met à la fois au service d’un texte magnifique de pureté et d’une actrice qu’il dirige pour la première fois dans cette pièce qui fut conçue en 1968 à l’attention de l’actrice Loleh Bellon. Littéralement caressée par la caméra, Charlotte Gainsbourg se révèle aussi inattendue que stupéfiante dans ce rôle auquel elle apporte une émotion qu’on pourrait qualifier de pointilliste, tant elle procède par touches minuscules.

Jean-Philippe Guerand



Charlotte Gainsbourg

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