Film français d’Anne Fontaine (2021), avec Jean Dujardin, Grégory Gadebois, Pascale Arbillot, Doria Tillier, Jean-Charles Clichet, Pierre Lottin, Jean-Michel Lahmi, Roxane Bret, Denis Podalydès… 1h40. Sortie le 30 juin 2021.
Grégory Gadebois et Jean Dujardin
Si l’on évoluait dans le monde de la grande distribution, on se verrait obigé de préciser que ce film possède sans doute une durée de péremption à date courte. Il se déroule très précisément à quelques semaines de sa sortie. Quand les sondages donnent la représentante du Rassemblement National en tête de tous les sondages, le sang patriotique de Nicolas ne fait qu’un tour et il décide d’aller convaincre son successeur François, retiré comme gentleman-farmer en Corrèze, de sortir de sa retraite anticipée. Toute ressemblance avec d’anciens présidents de la République française est évidemment délibérée. L’un est de droite et bourré de tics, l’autre de gauche a décidé de tirer un trait sur son passé. Au point de couler le parfait amour avec une vétérinaire et de cultiver son jardin avec un émerveillement de ravi de la Crèche digne des Bouvard et Pécuchet imaginés naguère par Gustave Flaubert. Les deux ex-rivaux vont toutefois trouver un terrain d’entente en décidant de s’associer pour bouter leur ennemie commune de sa position de favorite aux présidentielles.
Doria Tillier et Grégory Gadebois
Jusqu’à une époque récente excessivement timoré lorsqu’il s’agissait d’aborder de front des thématiques politiques contemporaines ou d’évoquer ses figures iconiques, le cinéma français a brisé cette omerta avec Le promeneur du Champ de Mars (2005) de Robert Guédiguian, puis La conquête (2011) de Xavier Durringer au moment précis où l’affaire DSK défrayait la chronique. Anne Fontaine va nettement plus loin dans Présidents en investissant le registre de la politique-fiction. Elle y place des personnages authentiques dans un contexte vraisemblable pour mieux dériver vers une comédie du pouvoir assez jubilatoire. Nul besoin pour Jean Dujardin et Grégory Gadebois de se transformer en sosies parfaits de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Ils ne font qu’une bouchée de leurs modèles et s’imprègnent de leur personnalité, en croquant gestuelle et mimiques avec une gourmandise contagieuse. Présidents navigue dans les eaux troubles du conte moral, dans l’esprit satirique du Candide de Voltaire et de La ferme des animaux de George Orwell. Avec en prime une morale dans l’air du temps qui renvoie le monde politique dans les cordes et tord le cou aux idées reçues.
Pascale Arbillot et Jean Dujardin
Présidents est une pure comédie humaine qui s’appuie sur une réalité socio-politique pour nous proposer une utopie étonnamment crédible, alors même qu’elle zappe l’occupant du Palais de l’Élysée, mais intègre la pandémie avec son lot de mauvais souvenirs. Reste à savoir comment vieillira ce film et à quel point la réalité contribuera à le bonifier ou, au contraire, à le rendre caduc. Tel quel, c’est un spectacle de qualité qui réussit à nous faire sourire du sujet le moins glamour qui soit : la politique française. Anne Fontaine choisit pour cela la carte d’un humour féroce et trouve une pirouette finale de nature à donner à la fiction une avance significative sur une réalité qui ne peut pas faire rêver grand monde, tant elle accuse un cruel déficit d’imagination de nature à favoriser l’indifférence sinon l’abstention. Sacha Guitry aurait sans doute apprécié cet exercice audacieux de politique-fiction ancré dans le réel. Cherchez la femme !
Jean-Philippe Guerand
Grégory Gadebois et Jean Dujardin
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