Film germano-franco-britannique de Julie Delpy (2019), avec Julie Delpy, Richard Armitage, Daniel Brühl, Gemma Arterton, Saleh Bakri, Sophia Ally, Lindsay Duncan, Nicolete Krebitz… 1h42. Sortie le 30 juin 2021.
Sophia Ally et Julie Delpy
S’il est un reproche qu’on ne peut pas formuler à l’encontre de Julie Delpy, c’est de se répéter. Chacun de ses films semble conçu comme une réaction aux précédents. Avec en guise de fil de rouge des prises de position nettes et parfois tranchantes, quitte à changer régulièrement de background géographique, comme la comédienne française l’a fait en partant s’installer à l’âge de 25 ans aux États-Unis où elle a obtenu deux nominations à l’Oscar pour sa contribution aux scénarios de Before Sunset (2004) et Before Midnight (2013) de Richard Linklater, avant de s'offrir elle-même deux savoureuses comédies en miroir : 2 Days in Paris (2007) et 2 Days in New York (2012). Non contente d'avoir brouillé les pistes avec des films de tonalités aussi différentes que La comtesse (2009), Le Skylab (2011) et Lolo (2015), elle met aujourd’hui cette expertise à profit avec My Zoé, qui débute comme un drame sentimental et s’achève sur un registre ô combien plus déroutant qui reflète sa face la plus sombre. Un pari dramaturgique radical où l’amour fou d’un couple pour sa fille unique va peu à peu dériver vers la folie obsessionnelle la moins paisible qui soit.
Julie Delpy, Sophia Ally et Richard Armitage
Zoé est une gamine exceptionnelle qui entretient une relation fusionnelle avec ses parents au point de devenir leur unique trait d’union. Jusqu’au moment où la petite fille va contribuer à creuser malgré elle un fossé abyssal entre cet homme et cette femme dont elle est la raison de vivre. La première moitié du film est traitée sous la forme d’un drame psychologique à haute tension dans lequel Julie Delpy sort les griffes face à Richard Armitage. La suite de cette scène de ménage d’une tension exponentielle marque une rupture de ton radicale sur laquelle il serait inconvenant de gloser, sous peine de nuire à la sidération des spectateurs face à un twist comme le cinéma en ménage assez peu. Julie Delpy s’y aventure dans des sables mouvants rarement explorés à l’écran… My Zoé va au bout de la folie d’une mère qui ne supporte pas de perdre le fruit de ses entrailles et entend lui redonner vie par tous les moyens… Y compris les plus irrationnels. Le film accomplit une sorte de grand écart acrobatique entre un pur mélodrame comme Le petit prince a dit (1992) de Christine Pascal et un revival moderne du fameux Frankenstein de Mary Shelley. Il nous propose aussi au passage une réflexion atypique sur le poids de la maternité.
Jean-Philippe Guerand
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