Charlatan Film tchéco-irlando-polono-slovaque d’Agnieszka Holland (2020), avec Ivan Trojan, Josef Trojan, Juraj Loj, Jaroslava Pokorná, Jiri Cerný, Miroslav Hanus, Jan Vlasak… 1h58. Sortie le 30 juin 2021.
Ivan Trojan
Film après film, Agnieszka Holland bâtit une œuvre qui ressemble à un authentique mémorial destiné à célébrer tous ces héros célèbres ou anonymes qui ont lutté contre les ravages du stalinisme, que ce soit en Pologne ou dans d’autres pays de l’Est. Un an après le choc qu’a consitué L’ombre de Staline situé dans l’URSS de l’immédiate Avant-Guerre, où elle pointait le silence coupable de l’Occident sur une famine organisée, elle poursuit aujourd’hui dans cette veine avec Le procès de l’herboriste, l’histoire authentique de Jan Mikolášek, un guérisseur aussi riche que célèbre qui a mis son expertise au service de tous sans la moindre ségrégation sociale, avant de devenir la bête noire des autorités communistes tchèques qui, redoutant sa popularité et son rayonnement, ont tout mis en œuvre pour l’éliminer et en faire un bouc émissaire à l’aube des années 50. À travers cet homme dévoué à la science dont l’influence grandissante inquiète d’autant plus le pouvoir totalitaire qu’il s’appuie sur des pratiques curatives séculaires, mais aussi sur un pouvoir irrationnel assimilé à de la sorcellerie, Le procès. de l’herboriste démonte méthodiquement une mécanique implacable qui ne tolère aucune individualité trop voyante.
Pour avoir débuté en tant que scénariste d’Andrzej Wajda, Agnieszka Holland est rompue à l’art d’ériger un destin individuel pour évoquer une situation collective. Son expérience internationale lui permet en outre de maîtriser les moindres subtilités d’un cinéma engagé qui ne néglige aucun des éléments constitutifs d’un spectacle à vocation populaire. Elle nourrit par ailleurs la puissance de son film en choisissant un personnage à multiples facettes qui profite d’un don inné pour accéder à un rayonnement personnel incompatible avec un régime collectiviste. Elle insiste enfin sur une autre particularité de Jan Mikolášek : une conception œcuménique de son rôle social qui le conduit à ne pratiquer aucune discrimination parmi ses patients, quitte à prodiguer pendant la guerre ses soins aux militaires allemands qui occupent son pays. Un personnage influent qui traite ses patients comme des dévots et auquel l’acteur prodigieux Ivan Trojan prête son talent remarquable sur une gamme de sentiments et d’émotions particulièrement riche. Le procès de l’herboriste est un film nécessaire qui tire sa richesse de son refus du manichéisme, sans jamais chercher à orienter notre regard. Une nouvelle œuvre majeure à mettre au crédit de sa réalisatrice engagée qui met un point d’honneur à ne pas baisser la garde contre les errements d’un passé pas si lointain qui a traumatisé les peuples de l’Est pour plusieurs générations.
Jean-Philippe Guerand
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